Une certaine vision de l’École maternelle
Mis à jour le 11.04.25
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«Il faut se préparer très jeunes, presque depuis la maternelle, à réfléchir à la façon dont [les élèves] se projettent dans une formation et un métier». Tels sont les propos d’Elisabeth Borne le 7 avril dernier en réponse aux difficultés générées par Parcoursup. Ses propos n'ont rien d’anodins. Ils s’inscrivent au contraire dans une vision de l’école qui sous-tend les politiques éducatives menées depuis 2017.
Des propos révélateurs ?
Ces propos, bien que corrigés depuis, interrogent : la ministre conçoit-elle l’école comme au seul service du marché du travail ce qui impose choix et sélection plus ou moins précoce des élèves ? Cette vision, à rebours des études en sciences sociales depuis plusieurs décennies, ne tient pas compte des différents déterminismes, et donc inégalités, qui peuvent exister comme l’expliquaient Bernard Lahire, Francois Dubet et Marie Duru-Bellat lors de l’Université d’Automne de la FSU-SNUipp en 2021.
Dire que des enfants de moins de 6 ans doivent se projeter, c’est ainsi faire fi de leurs propres représentations, corrélées à leur milieu familial notamment.
Défendre un autre projet pour l’école maternelle
Mais la FSU-SNUipp prend note de la volonté de la ministre de se pencher sur les missions de l'École dès la maternelle. Elle attend donc un véritable plan d'urgence qui permette la mise en œuvre d’une école du "toutes et tous capables d'apprendre et de penser ensemble".
L’école maternelle doit garder l'équilibre entre prise en compte des besoins de l’enfant et co-construction de savoirs et savoirs faire qui permettent de penser le monde.
Elle doit être attentive aux progrès et réussites de chaque élève, aux objectifs communs ambitieux, mais avec le respect des différences de rythmes et de développement si prégnantes chez les plus jeunes, sans mise en compétition, ni culte de la performance. Elle ne doit pas cantonner les enseignements à des séances répétées d’entraînement à des techniques pour préparer les évaluations standardisées en CP.
S’il est évident que l’insertion professionnelle à long terme est une donnée importante, elle ne saurait être l’alpha et l’oméga des visées de l'École et de politiques éducatives qui, en suivant cette logique, ne font que reproduire les déterminismes socio-économiques existants.
Une cohérence avec les politiques éducatives des dernières années
Ce discours s’inscrit néanmoins dans la continuité des politiques éducatives menées ces dernières années. Sans remonter jusqu’à l’école de la confiance de Jean-Michel Blanquer, la volonté de mise en place d’une école qui trie et sélectionne le plus tôt possible s’accélère : nouveaux programmes normatifs et technicistes en maths et français en cycle 1, en cycle 2 et cycle 3, accent mis sur de prétendus « fondamentaux » invisibilisant les autres disciplines, attaques sur la singularité de l’école maternelle pour en faire une simple école pré-élémentaire, « choc des savoirs », formations descendantes et basées sur les “bonnes pratiques” pilotage par des évaluations standardisées… Toutes ces mesures concourent à la transformation structurelle de l’école - et du métier enseignant - dans une vision de l’école en adéquation avec le monde du travail.
Ces politiques éducatives mettent les personnels en souffrance autant par la négation de leur professionnalité que par la perte de sens de leurs métiers ou les effets qu’elles produisent sur les élèves.
Pour la FSU-SNUipp, l’école maternelle est le lieu où l’enfant qui devient élève doit avoir accès à de nombreux apprentissages, tous fondamentaux, devant être évalués de manière positive.
C’est cette mission, ambitieuse pour les élèves et à laquelle les enseignant·es et AESH sont attaché·es, qui correspond à celle d'un service public d’éducation.
Cela nécessite d’autres politiques éducatives et une augmentation significative des moyens pour lesquels le syndicat continuera de se mobiliser.