Direction : le Ministère franchit la ligne rouge

Mis à jour le 05.07.21

min de lecture

Après une pause de 6 mois, les discussions au Ministère sur la direction d’école ont repris. Des annonces en guise de « promesses » sur les décharges ou la revalorisation… sans aucune précision. Mais c’est surtout sur l’autorité fonctionnelle, petit détour vers l’autorité hiérarchique que le Ministère avance à grand pas, voulant instaurer même un emploi fonctionnel dans les écoles totalement déchargées

Décharge et salaire : des annonces et après ?

C’est à partir d’un bilan peu flatteur sur les mesures déjà adoptées que les discussions ont débuté. Le SNUipp-FSU a ainsi pointé le peu de mise en place de décharge supplémentaire pour les petites écoles, faute de remplaçant·es, pour cette année et une avancée homéopathique sur les allègements promis.

En réponse, le Ministère a annoncé l’objectif d’attribution de décharges supplémentaires de direction d’école tout en se contentant d’indiquer pour quelques mesures le « surcoût » en emplois :

  • 1/8 de décharge pour les écoles de 1 à 2 classes
  • ¼ pour 3-4 classes : 1000 emplois
  • ½ pour les 5-9 classes : 3500 emplois
  • Décharge totale à partir de 10 classes : 2100 emplois

Or le Ministère n'a présenté aucun plan pluriannuel permettant la mise en œuvre concrète de ces décharges.

Du point de vue salarial, la DGRH annonce la poursuite de la revalorisation indemnitaire des directions d’écoles en 2022. Ces mesures annoncées sont suspendues au projet de loi de finances 2022, dont on ne connaîtra les grandes lignes qu’en septembre après les arbitrages interministériels. Là aussi, le Ministère reste dans les promesses et n’avance pas sur l’indiciaire, ce que réclame le SNUipp-FSU.

La délégation de compétence pour créer un échelon hiérarchique

Rappelant la cohérence de son projet avec les conclusions du « Grenelle de l’éducation », une mascarade de débat public le Ministère inscrit la délégation de compétence qu’il propose dans la loi Rilhac qui n’est pourtant pas encore votée.

Ont ainsi été évoqué comme éléments principaux d’une autorité fonctionnelle et décisionnelle attribuée aux directrices et directeurs : une lettre de mission, la voix prépondérante de la direction lors des différents conseils, l’autonomie du choix dans l’organisation des 108H, la possibilité d’attribuer des missions spécifiques rétribuées aux enseignant·es répondant à un besoin local, l’association au mouvement intradépartemental sur les postes à profils ou encore la possibilité d’intervenir dans les entretiens de carrière en portant un jugement sur l’implication individuelle des enseignant·es au sein de l’école…

Ce n’est ni plus ni moins que l’instauration d’un échelon hiérarchique dans les écoles qui se profile.

La création d’un emploi de directeur·trice

C’est en toute fin de la seconde réunion du groupe de travail que le Ministère a annoncé qu’il voulait créer, à partir de la rentrée 2022, un nouvel emploi fonctionnel avec une grille d’avancement spécifique pour les directrices et directeurs totalement déchargées. Cette annonce est inacceptable !

Tout ceci dénaturerait fortement l’école telle qu’elle existe aujourd’hui et aurait des conséquences sur l’ensemble de son fonctionnement. L’équipe disparaitraît ainsi derrière un·e super directeur·trice qui sera par ailleurs bien isolé·e lorsqu’il ou elle devra assumer toutes ses décisions. Quant à la création d’un « nouveau corps de direction » dans les grandes écoles, ce serait un passage en force inadmissible.

Pour le SNUipp-FSU la ligne rouge est franchie ! Il engagera à la rentrée une mobilisation avec les personnels pour faire échec à ce projet et faire valoir les réelles revendications des personnels pour la direction d’école : une augmentation des décharges et la mise en place d’une aide administrative dans les écoles.


La lettre au ministre

Paris, le 5 juillet 2021

Guislaine DAVID
Arnaud MALAISÉ
Régis METZGER

Co-Secrétaires généraux

A

Monsieur Jean-Michel BLANQUER
Ministre de l’Éducation Nationale
110 rue de Grenelle
75357 Paris 07 SP

Monsieur le Ministre,

Bien que les discussions aient enfin repris avec les actrices et acteurs principaux, via leurs organisations syndicales, autour de la direction et du fonctionnement de l’école, vous persistez à vous inscrire dans le cadre d’une proposition de loi dont personne ne sait à cette heure si elle sera adoptée, ni en quels termes. Vous persistez ainsi à éloigner les directrices et directeurs des équipes pédagogiques en voulant leur conférer une autorité décisionnelle et fonctionnelle s’appuyant sur des préconisations qui vont à l’encontre de ce qui fait l’essence de l’école primaire française : un collectif de travail animé et coordonné par un directeur ou une directrice et au service de la réussite de toutes et de tous. Ces dernières n’ont aujourd’hui nul besoin de lettre de mission, de voix prépondérante, de pouvoir d’ingérence dans l’évaluation des enseignant.es ou d’attribuer une prime selon leur bon vouloir ou encore de contribuer à la création de postes à profil.

Ils et elles ont besoin de temps, d’une aide administrative pérenne et statutaire, de formation, de sérénité pour coordonner et animer les équipes pédagogiques et être celle et celui qui impulse, anime et soutient les initiatives et projets pédagogiques.
Placer les directrices et directeurs « au-dessus » en leur conférant une autorité décisionnelle et fonctionnelle, commencement d’un statut hiérarchique, c’est les placer en dehors du collectif de travail ce qui conduirait à diviser les équipes plutôt que de renforcer leur rôle de garant.es de la cohésion de ces équipes.

Comme nos collègues, nous tenons à vous faire part de notre étonnement et de notre colère concernant la création d’emplois fonctionnels pour les écoles totalement déchargées. Annoncée à la veille des vacances sans aucune discussion et présentée comme une « volonté assumée » et donc irréversible, cette mesure représenterait le franchissement d’une ligne rouge. Imaginer qu’une autorité fonctionnelle quasi-statutaire soit la réponse aux difficultés exprimées par les directrices et les directeurs est le signe du déni de leur quotidien qui se concrétise par un fort isolement et un manque flagrant de moyens. Les remerciements, aussi fréquents soient-ils, qui ne sont pas suivis d’effets sont vécus comme du mépris.

Il faut maintenant revenir sur cette annonce et inscrire les débats autour de la fonction de directrice et directeur et ses conséquences sur le fonctionnement des écoles dans l’esprit de la synthèse de la consultation de l’hiver 2019. Aujourd’hui vous vous en éloignez à grands pas.

Enfin, en l’absence d’arbitrages budgétaires, l’année 2022 risque d’en rester à l’expression d’intentions concernant notamment la poursuite de l’amélioration des décharges et une nouvelle mesure de revalorisation indemnitaire. Aucun objectif clair n’est formulé, aucune programmation n’est établie. Nous vous demandons, M. le ministre, de mettre sur la table des discussions, l’enveloppe financière demandée et les mesures qui sont à l’étude.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en notre sincère et profond attachement au service public d’éducation.

Pour le Co-secrétariat
Guislaine DAVID


Analyse projet direction

Le décryptage du projet