Maths : plan égalité ou plan com ?

Mis à jour le 14.05.25

min de lecture

Partant du constat d'un très fort biais de genre concernant l'orientation dans les filières scientifiques, 25% seulement de filles dans les filières d’ingénierie et du numérique par exemple, Elisabeth Borne a dévoilé un plan “Filles et maths” le 7 mai dernier. Un plan bien pauvre et insuffisant pour répondre aux enjeux.

Un plan “Filles et maths” a été dévoilé par la Ministre le 7 mai dernier. Ce plan s’appuie notamment sur le rapport de l’IGESR “Filles et mathématiques : lutter contre les stéréotypes, ouvrir le champ des possibles” qui pointe l’effet majeur des stéréotypes de genre. Ces derniers engendrent manque de confiance en soi et sentiment de ne pas être à sa place.
Ces écarts sont confirmés par d’autres études, notamment de la DEPP (Direction de l'Evaluation, de la Prospective et de la Performance). Dans une note du 22 avril 2025, elle soulignait qu'entre 2017 et 2024, l’écart de performance entre les filles et les garçons les plus performants en 6e avait augmenté de 9 points.Ce sujet mérite que le Ministère s’y penche car, comme il le pointe, cela a une incidence forte sur l’avenir : ces choix sont pénalisants « pour les filles qui s’orientent vers des métiers moins rémunérateurs. En 2023, on note un écart de salaire de 14,2 % entre les femmes et les hommes à temps de travail identique »
Pourtant ce plan - malgré l’importance du sujet - s’est construit sans aucune concertation. Et, comme il est malheureusement de tradition depuis au moins 2017, il sert avant tout la communication gouvernementale et non à répondre réellement à la problématique de fond des biais de genre à l’école.

Des annonces attendues

L’annonce la plus marquante de ce plan concerne le secondaire. Il s’agit de la création de classes à horaires aménagés en mathématiques et en sciences en 4ème et 3ème.
Dans ce cadre, mais pas exclusivement, la Ministre fait la promotion d’une pédagogie de projet qui permettrait de répondre aux biais genrés des apprentissages.
La Ministre entend par ailleurs former les personnels. Le plan prévoit, en ce qui concerne le 1er degré, “2h de sensibilisation” d’ici le 15 septembre. Elle parle aussi d’étendre plus largement la formation sans en préciser ni les contenus ni la temporalité.

Et la formation ?

L’accent mis principalement par la Ministre sur le secondaire dans son plan est en soi très questionnant. Les biais d’orientation et notamment de genre, corrélés aux déterminismes sociaux, se construisent en effet dès l’école primaire.
Dans ce cadre, les deux heures de sensibilisation apparaissent bien insuffisantes et devront s'effectuer dans un planning intenable, entre la fin d’année et la rentrée, notamment pour les directeurs et directrices censées les mener. Cela supposerait en outre que ces dernier·es soient déjà formé·es ce qui n’est pas le cas.
Une formation ambitieuse devrait prendre en compte les apports de la recherche sur ces questions. Comme l’expriment les chercheuses Alyson Sicard, Céline Darnon & Delphine Martinot, dans Genre et scolarité : l’illusion d’une supériorité féminine, "l’école est un système qui contribue malheureusement à la reproduction des inégalités filles-garçons, puis femmes-hommes en faveur des garçons (hommes)". En effet, le système éducatif avec sa fonction de sélection et l’instauration d’un climat compétitif est difficilement conciliable avec les valeurs stéréotypées transmises par la socialisation féminine.
Les travaux sur la menace du stéréotype, mis en avant notamment par Sébastien Goudeau, font aussi partie des enjeux de la formation à mettre en œuvre. Il s’agit de comprendre comment les stéréotypes genrés pèsent sur les filles et génèrent de l’échec scolaire. Bien au-delà d’une sensibilisation, c’est une formation approfondie qui doit permettre aux enseignant·es de repenser leurs représentations et de transformer leurs pratiques pour enrayer les inégalités. Et au ministère de donner les moyens afférents pour permettre qu’une telle formation se mette en œuvre.

D’autres problèmes et contradictions

Présentée ici comme un levier contre les biais, la pédagogie de projet entre pourtant en contradiction avec l’orientation actuelle des programmes du primaire. Entre l’accent mis sur le décodage dans la lecture au détriment de la compréhension en français et sur la technique au détriment du sens en mathématiques dans les nouveaux programmes, voir la Ministre promouvoir la pédagogie de projet paraît contradictoire avec les politiques menées ces dernières années !
Enfin, en ce qui concerne l’annonce phare sur les classes spécifiques, comme le souligne le SNES-FSU, “Le ministère a-t-il pensé que la féminisation de ces classes aménagées en collège conduirait de fait à déséquilibrer le ratio filles-garçons des autres classes ? Un autre impensé, et de taille : ces classes à horaires aménagés ne pourraient-elles pas devenir des classes de niveau et constituer une nouvelle forme de tri scolaire et social, alors que les personnels rejettent massivement cette ligne politique du « Choc des savoirs » ?”

La question d’une scolarité émancipatrice pour toutes et tous quel que soit le genre, l’origine sociale ou ethno raciale devrait être une mission de l’école. Loin des effets de communication de la Ministre, cela exige des moyens, particulièrement pour la formation, pour lesquels la FSU-SNUipp continuera de mobiliser les personnels.