Programmes ou protocole ?

Mis à jour le 23.05.25

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Les nouveaux programmes de cycle 3 en français et mathématiques viennent d’être publiés. Appliqués dès la rentrée 2025 en CM1 et en 6e, puis à la rentrée 2026 pour le CM2, ils constituent une régression par rapport à ceux de 2015. Même si l’intervention syndicale a permis d’en gommer certains aspects négatifs, les apprentissages restent cloisonnés, protocolisés, normés, les savoirs fragmentés… pénalisant la construction du sens, en particulier pour les élèves des milieux populaires.

En français :

Le programme de cycle 3 est moins problématique que les programmes de cycle 1 et 2 en offrant des entrées plus variées dans les différents domaines. Une conception de l’écrit comme “écrits de travail” et levier pour réfléchir collectivement, ainsi que la nécessaire représentation des autrices dans les lectures sont des points positifs.

De plus, des améliorations importantes ont été obtenus grâce aux interventions syndicales au Conseil supérieur de l'Éducation (CSE) comme :

  • la lecture n’est plus restreinte au seul déchiffrage pour les élèves en difficultés, bien que cet objectif reste prépondérant pour l’ensemble des élèves. Par ailleurs, dans la partie “vocabulaire”, les relations morphologiques entre les mots sont présentées comme “points d’appui essentiels pour [des] progrès en lecture (compréhension) et écriture” ;
  • les exemples de réussite des élèves, les corpus d'œuvres et les pistes de prolongements artistiques et culturels sont retirés des programmes pour rester à disposition des PE, "à titre indicatif", sur le site du ministère. Ces listes pourront donc évoluer sans devoir attendre une révision des programmes.

En revanche, d’autres éléments sont contre-productifs pour les apprentissages, comme l’écriture abordée en premier lieu comme geste graphique ou encore le vocabulaire enfermé dans une organisation par “corpus de mots”.

Même si la formulation est adoucie, les objectifs chiffrés de fluence (CM1 : "Lire correctement en ciblant 110 mots par minute en moyenne", 120 mots/mn en CM2, 130 en 6ème) détournent l’attention des élèves de ce qu’est l’acte de lire (respect de la ponctuation, compréhension…). Par ailleurs, les tableaux indiquant ce que doit faire “chaque élève” toutes les semaines - voire tous les jours - pèsent fortement sur la liberté et les organisations pédagogiques. Ces prescriptions peuvent également rentrer en contradiction avec le respect des rythmes d’apprentissage des élèves.

En maths

Le préambule qui fait la part-belle aux compétences psycho-sociales, met en avant des critères psychologiques pour expliquer des difficultés d’apprentissage, invisibilisant ainsi les déterminismes sociaux.

Bien que les domaines “géométrie”, “grandeurs mesures” conservent une assise didactique et une logique de construction des apprentissages, où la situation-problème est présentée comme centrale, le domaine “nombre et calculs” est lui plus problématique. S’il a beaucoup évolué par rapport à la version issue des travaux du Conseil supérieur des programmes (CSP), la conception du nombre est fragmentée, séparant construction du nombre, calcul mental et techniques opératoires. La conférence de consensus du CNESCO en 2015 indiquait pourtant qu’ « il est important de développer l’intelligence du calcul en lien avec une compréhension profonde de la notion de nombre ».

Paradoxalement, dans la partie “Problèmes”, ces derniers semblent réduits à une traduction mathématique de situations de vie pour un traitement uniquement arithmétique, et ce de façon fortement protocolisée. C’est en rupture avec les travaux des Instituts de Recherches sur l’Enseignement des Mathématiques (IREM), qui pointent l’importance de proposer des situations-problèmes autour de ce qui fait obstacle en mathématiques. En revanche, l’introduction plus affirmée de l’algèbre dès le CM1, ou celle nouvelle de la probabilité, est intéressante, d’autant qu’il est répété qu’il s’agit d’une première familiarisation et qu’aucune procédure experte n’est attendue.

L’abandon de la notion de cycle dans les programmes reste problématique. Elle doit être réaffirmée pour permettre à tous les élèves d’accéder à des savoirs de haut niveau en respectant leurs rythmes d’apprentissage.