Laïcité, une école de la concorde

Mis à jour le 10.12.19

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Chaque jour les équipes font vivre ce principe fondateur dans les écoles

Contrairement à ce que peut laisser entendre le débat politicien, le climat est très majoritairement apaisé dans les écoles. Cela n’empêche pas que régulièrement, il faille réaffirmer ce principe et sa signification. Il faut aussi savoir l’enseigner.

Quel beau fait d’armes ! Vendredi 11 octobre, le conseiller régional RN de Bourgogne-Franche-Comté Julien Odoul s’en est violemment pris à une mère voilée accompagnant une sortie scolaire au parlement régional. Un port du voile qui, à ses yeux, serait contraire au principe de laïcité. Du coup, ce qui aurait dû être une leçon de civisme valorisant une institution démocratique s’est transformé en une démonstration de haine devant des enfants sous le choc. L’indignation a été grande, ce qui n’a pas empêché Jean-Michel Blanquer de déclarer que « le voile n’est pas souhaitable dans notre société », avant qu’il ne rétropédale car faut-il le rappeler, un ministre de l’Éducation nationale n’a pas à afficher d’opinions sur une telle question. Cette triste affaire aura surtout montré comment des individus peu respectueux peuvent instrumentaliser une valeur fondamentale de la République pour déverser leur fiel, une bonne dose d’islamophobie en l’occurrence.

Ce que dit vraiment la loi

L’incident montre aussi qu’à force de dénoncer abusivement les atteintes au principe de laïcité à l’école, on en oublie sur quoi il repose. La question des signes religieux à l’école n’est pas nouvelle. Elle avait été traitée en 2004, suite aux travaux de la commission Stasi, avec l’interdiction faite aux élèves d’en porter dans l’enceinte scolaire. Huit ans plus tard, une circulaire du ministre Luc Chatel étendait cette interdiction au sorties scolaires. Mais sur ce point, le conseil d’État a tranché en 2013. Il estime que les personnes accompagnatrices ne sont pas des agents du service public mais des usagers et ne sont donc pas soumis à la neutralité religieuse au contraire des fonctionnaires. On aurait pu croire que le débat serait clos, ce n’est visiblement pas le cas. Ce débat n’est en tout cas pas sans importance. La laïcité reste un fondement de l’école publique. Les lois de Jules Ferry en 1881, 1882 et 1886, bien avant la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, instaurent sans équivoque une école publique qui est laïque tout autant qu’obligatoire. Mis à part le régime de Vichy, cette orientation ne sera jamais  remise en cause. Elle sera même renforcée avec son inscription dans la Constitution en 1958. Reste quand même à bien comprendre de quoi l’on parle. « La laïcité est un cadre, un principe d’organisation de la République qui garantit la mise en application effective de deux valeurs de la République : l’égalité de toutes et tous et une liberté fondamentale, la liberté de conscience. La laïcité n’est donc pas une simple tolérance de l’autre. C’est le paradoxe apparent de la laïcité qui sépare pour mieux rassembler », rappelle Jean-Paul Delahaye vice-président de la Ligue de l’enseignement chargé des questions de laïcité.

Un climat apaisé pour neuf PE sur dix

Ce rappel d’une notion dont on oublie parfois le sens profond, n’est sans doute pas inutile. Mais malgré ce que veulent faire croire quelques politiques dans le débat public, l’école est loin d’être à feu  et à sang, bien au contraire. « Je crois qu’il y a une inquiétude, alimentée par l’hyper-médiatisation de situations problématiques ou conflictuelles et le débat politicien. Pour autant, une enquête de l’IFOP réalisée en 2018, montre que pour la très grande majorité des enseignantes et des enseignants, le climat est apaisé ou très apaisé », confie Jean-Louis Bianco le président de l’Observatoire de la laïcité. Selon cette étude, neuf enseignantes sur dix partagent ce sentiment. Cela ne signifie pas pour autant que tout va très bien, madame la marquise. Dans le même temps, selon la même étude, une majorité de PE s’estime mal formée pour aborder et faire vivre la laïcité à l’école.

Pour cette raison, l’Observatoire de la laïcité pense nécessaire la création de modules dédiés dans le cadre de la formation initiale. Or aujourd’hui, le seul outil à disposition est le vademecum proposé par le ministère (lire ci-dessous). Mais si le document répertorie nombre de situations, il est loin d’apporter des réponses à tous les événements pouvant survenir à l’école.

Une citoyenneté éclairée

Qu’il s’agisse des relations avec les familles ou avec les élèves, gérer les situations est un geste professionnel pour lequel il faut faire confiance aux directrices et aux directeurs, ainsi qu’aux équipes.
Le conseil d’État le soulignait dans son avis de 2013 revoyant à « l’autorité compétente » qui dans une école n’est autre que la direction ou l’équipe, le soin de dialoguer avec les parents. Ce sont bien les équipes, en particulier lorsqu’elles sont confrontées à une absence de mixité sociale ou un certain communautarisme, qui sont les mieux placées pour juger du contexte et prendre les décisions adaptées. Il ne faut pas oublier non plus qu’à l’école, la laïcité ça commence par s’enseigner. Quand les élèves reçoivent dans leur famille une éducation religieuse, il est nécessaire parfois que les PE expliquent le sens de la laïcité et les aident à distinguer croyances et savoirs. 

Bien des occasions peuvent s’y prêter. À Bailleul dans le Nord, c’est en accompagnant ses élèves de CM1-CM2 de l’école Victor-Hugo dans les cimetières où reposent les soldats tués lors de la Première guerre mondiale qu’Alain Talleu peut aborder la question. Le travail sur la signification religieuse des pierres tombales le conduit à parler du fait religieux, du vivre - et mourir - ensemble, même si on ne partage pas les  mêmes convictions. À l’école Romain-Rolland d’Évreux, dans l’Eure, c’est par l’entremise du temps dédié à l’EMC et dans le cadre de débats réglés, que Yasmina Bouamar amène les élèves à réfléchir sur la question.  Preuve que l’école peut, par l’enseignement dans le quotidien du principe de laïcité, construire des citoyennes et citoyens libres et éclairés. Et justement, c’est son rôle.

Le dossier complet

08 décembre 2019

Que faire quand un élève demande à pouvoir prier lors d’une classe transplantée ? Allons voir dans les 80 pages du vademecum La Laïcité à l’école qui prend la suite, en 2018, du livret laïcité. Le guide se donne pour but de passer en revue toutes les situations que peuvent rencontrer les équipes en lien avec la religion : repas différenciés, journée d’absence pour célébrer une fête religieuse... Le maître-mot : dialoguer avec la famille. Ça, les PE y auraient pensé. Mais on retrouve entre les lignes les partis pris du ministère. Ainsi, Noël est présenté comme une « fête sécularisée » que l’on peut travailler en classe si l’on évite tout signe religieux. Une interprétation qui peut se discuter. La multitude des textes, sans hiérarchie, ajoute parfois de la confusion et surtout ne fait que mettre en lumière le besoin d’une authentique formation pour se les approprier.

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