T. Troncin : "Un grain de sable"

Mis à jour le 17.11.18

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Docteur en sciences de l’éducation à l’ESPÉ de Bourgogne

C’EST QUOI UN ÉLÈVE PERTURBATEUR ? 

THIERRY TRONCIN : Il faut d’abord faire la distinction entre un enfant perturbé et un élève perturbateur. L’enfant perturbé relève des troubles de la conduite et du comportement et fait l’objet d’une reconnaissance de handicap qui ouvre des droits spécifiques. L’enfant perturbateur à l’école, lui, est un élève qui sème du désordre dans le temps et sur les lieux d’enseignement et pas nécessairement ailleurs. Il vient troubler le fonctionnement ordinaire de la classe par ses difficultés à se réguler. Il ne perçoit pas les conséquences de son comportement déviant sur son travail et celui des autres et il va avoir du mal à sortir d’un processus de répétition. La perturbation observée n’est que la partie émergée. Pour l’aider, il faut comprendre ce qui l’invite à avoir ce comportement. Des enfants s’ennuient en classe, d’autres ne comprennent pas les consignes de travail, sont déficitaires dans leur méthodologie de travail ou encore estiment qu’ils ont très peu de chance de réussir ce qui leur est demandé. Certains ne réussissent pas à trouver leur place dans le groupe et les raisons peuvent se cumuler. À l’origine de la plupart de ces comportements la question du sens est posée.

POURQUOI EST-CE SI DIFFICILE À GÉRER DANS LA CLASSE ? 

T.T. : Le travail de l’enseignant est très complexe et demande de prendre souvent seul des décisions importantes parfois dans l’urgence. Il doit créer les conditions favorables pour faire apprendre dans un format quelquefois peu propice en termes d’effectifs, de locaux ou encore d’hétérogénéité des élèves. Le comportement perturbateur est un grain de sable. Ce n’est pas forcément grave mais la répétition vient enrayer les processus d’apprentissage, génère de la fatigue, de l’énervement, du désarroi. Cette accumulation rend la tâche lourde, difficile et épuisante et ces comportements peuvent même se diffuser dans le groupe auprès d’autres enfants fragilisés. De plus, les réponses à court terme ont souvent peu de chance de faire évoluer le comportement de l’enfant dans la durée.

POURRAIT-ON MIEUX S’Y PRENDRE ? QUELLES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES DÉVELOPPER ? 

T.T. : La première idée, c’est d’essayer de comprendre les mobiles et de percevoir les signes annonciateurs de tel ou tel comportement. Le cadre de travail doit être clair et bien identifié par l’enfant. Les attentes doivent être très explicites ainsi que les modalités de travail et d’aide qu’on peut accorder aux élèves. Quand l’enfant est perdu dans le fonctionnement, c’est propice au développement des comportements perturbateurs. Le deuxième conseil est que l’enseignant devienne le dernier recours dans la chaine des aides pour éviter d’entrer tout de suite dans une relation duelle. On peut tenter par exemple d’installer un tutorat en s’appuyant sur des enfants apaisés. La recherche d’intermédiaires peut permettre à l’enseignant de ne pas intervenir tout de suite et développer chez ces enfants la capacité à mieux se prendre en charge. Enfin, les séances d’apprentissage doivent s’organiser avec des moments de forte attention et d’autres qui les sollicitent moins cognitivement et psychologiquement. On peut également prévoir des activités de délestage, le temps de se ressourcer pour revenir dans l’activité initiale.

QUELLES RESSOURCES PEUT-ON CONVOQUER POUR S’EN SORTIR ? 

T.T. : Il faut accepter parfois d’être dans la difficulté sans avoir tout de suite les réponses appropriées. L’équipe éducative permet de porter un regard croisé sur l’ensemble des temps de la journée. L’idée est que chaque acteur puisse exprimer ce qu’il ressent. Une forme d’analyse de la pratique pour tenter d’identifier l’origine des comportements déviants répétés comme par exemple lorsque la consigne est donnée collectivement ou quand l’élève doit s’engager dans la tâche. Ensuite on peut échanger sur les réponses que l’on a testées pour trouver celles qui deviennent communes donc plus consistantes et qui permettront de faire le point plus tard. Cela permet de déculpabiliser et de sortir de la solitude. Mettre sur la table toutes les compétences pour essayer de comprendre avant d’agir. Il faut aussi en dire quelque chose à l’enfant. Souvent on parle de l’enfant en dehors de lui et on oublie de le mettre dans la boucle. Enfin parfois il peut être nécessaire d’avoir un éclairage de la famille ou des membres du RASED.

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