Pour des rapports égalitaires

Mis à jour le 20.03.25

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Décryptage : le programme Evars voit enfin le jour/ITW Fanny Gallot

Après des mois d’attente et de campagnes calomnieuses, le programme d’Education à la vie affective, relationnelle et à la sexualité, véritable point d’appui professionnel, voit enfin le jour.

Éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité : EVARS. Un sigle qui rappelle que la notion de sexualité, loin de se cantonner à des pratiques adultes, comprend des aspects biologiques, émotionnels et sociaux. C’est ainsi que l’éducation à la sexualité inscrite dans le Code de l’éducation depuis 2001 associe trois champs de connaissances et compétences : biologique, psycho-émotionnel, juridique et social. Cette loi, peu appliquée, vient d’être renforcée par un programme dédié paru le 6 février. Comme les « ABCD de l’égalité », dispositif destiné à lutter contre les stéréotypes de genre en primaire, ce programme a été freiné par des pressions réactionnaires voire d’extrême droite. Alors que le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) rappelle la constance du sexisme en France, que 53% des victimes d’infractions à caractère sexuel sont des mineur·es et que s’ouvre le procès en pédocriminalité du médecin Le Scouarnec, ce nouveau programme constitue une réponse éducative pour combattre ces systèmes de domination.

POUR UNE SOCIÉTÉ ÉGALITAIRE

De fait, le nouveau programme EVARS met en avant l’apprentissage du respect de l’intimité corporelle et psychologique des élèves en tenant compte de leur rythme de développement. Il vise ainsi à construire une culture commune du respect et de l’égalité, en particulier entre les femmes et les hommes. Il s’agit par exemple d’envisager les activités sans norme de genre en maternelle, de repérer les stéréotypes de genre, de les contextualiser et de percevoir leurs effets en CE1 ; puis de comprendre leurs effets discriminants et d’agir pour lutter contre les préjugés en CM1. L’EVARS apprend le consentement, contribue à la lutte contre les discriminations, liées entre autres au genre ou à l’orientation sexuelle, et à prévenir les différentes formes de violences, dont l’inceste.

TROIS AXES

Dans le premier degré, la vie affective et relationnelle est organisée autour du développement de l’enfant et des relations sociales. Elle se met en œuvre grâce à au moins trois séances annuelles spécifiques, obligatoires, mais aussi lors de temps d’apprentissages déployés autour d’autres enseignements. 

Interdisciplinaire, l’EVARS a été pensée autour de trois axes : se connaître, vivre et grandir avec son corps ; rencontrer les autres et construire des relations, s’y épanouir ; trouver sa place dans la société, y être libre et responsable. Progressivité et complémentarité ont guidé la rédaction. Chaque axe est décliné par niveau, en notions et compétences et s’accompagne de propositions d’activités, non prescriptives ni exhaustives. Nul doute, par exemple que les précisions concernant « la connaissance de son corps » allant d’une première conscience de l’intimité en PS, en passant par la préservation de cette dernière en CE2, jusqu’à la compréhension de la puberté en CM seront des points d’appui pour que les équipes conçoivent collégialement la mise en œuvre. 

De même, les indications au fil des niveaux d’élémentaire pour installer la notion de consentement ou les questions LGBTQIA+, sous la forme d’un respect des divers types de familles vers la reconnaissance de diverses formes de relations affectives, constituent des repères rassurants. Pour autant, face aux oppositions multiples à l’EVARS, la mise en œuvre demandera un soutien institutionnel sans faille, des documents d’explications pour les familles et une formation solide.

*Fenêtres sur cours spécial maternelle 2022.
**Spécial université d’automne 2021.

3 question à Fanny Gallot

FANNY GALLOT, maîtresse de conférence en histoire contemporaine, co-autrice de « J’enseigne l’égalité filles-garçons »
(Éd. Dunod) .

PROGRAMME EVARS, UN APPUI PERFECTIBLE ?

Alors qu’aucun programme jusqu’ici ne permettait d’outiller les enseignantes et les enseignants, l’EVARS légitime des pratiques existantes sur lesquelles il s’est appuyé. Il précise divers enjeux cruciaux, abordés de façon adaptée à l’âge, suffisamment tôt pour permettre de construire l’égalité. Cependant, certains enjeux ont été euphémisés voire enlevés. Ainsi le terme transphobie a été supprimé, « l’identité de genre » n’apparait qu’en introduction du programme. De même, le fait que la sexualité ne soit pas mentionnée avant le collège pose question : comment parler de discriminations liées au genre et à la sexualité sans en faire mention, lorsqu’il s’agit par exemple en CM1 de « comprendre les stéréotypes pour lutter contre les discriminations » ? Comment comprendre les différents modèles familiaux ou aborder le consentement sans jamais évoquer la sexualité ?

QUELLE RÉCEPTION DE CE PROGRAMME ?

Ces programmes suscitent un engouement important de la part des enseignantes et enseignants et d’une grande majorité des parents, mais des mouvements anti-EVARS font beaucoup de bruit, notamment depuis le lancement du collectif « Parents vigilants » par Eric Zemmour contre un soi-disant prosélytisme trans ou la pénétration d’un prétendu « wokisme » à l’école. En outre, différentes formes d’opposition à l’EVARS doivent toutefois être distinguées. Certaines d’entre elles s’inscrivent explicitement dans une logique conservatrice voire réactionnaire. D’autres se nourrissent de la désillusion collective éprouvée aujourd’hui par de nombreuses familles populaires. Le sociologue Simon Massei pointe leurs reproches d’une institution générant davantage de reproduction que de mobilité sociale et qui se perd en polémiques récurrentes telles
celles sur les mères accompagnatrices voilées.

COMMENT RASSURER CES FAMILLES ?

L’enjeu est différent entre ces groupes conservateurs notamment issus de la grande bourgeoise catholique et les familles inquiètes en particulier d’origine populaire et racisées. Pour ces dernières, le dialogue, indispensable, entre familles et équipes enseignantes peut et doit permettre d’aider à déconstruire ces croyances instillées par ces discours et à reconstruire localement des rapports de
confiance. Rappeler qu’il ne s’agit pas de se substituer au rôle éducatif des parents, ni de juger les pratiques familiales mais que nommer les choses, apprendre le consentement ou l’égalité s’inscrit dans une prévention contre les violences. Donner
confiance à tous les élèves et ouvrir les possibles est bien une mission de l’école.

Ressources

INFOX
La rhétorique des publications réactionnaires voire complotistes sont un mélange de mensonges, d’exagérations, ou de glissements de sens participant aux inquiétudes des familles et des enseignant·es. Des doutes alimentés aussi par une compréhension restreinte de la notion de sexualité. Face aux malentendus ou à la désinformation, la FSU-SNUipp rétablit la réalité du programme EVARS en huit questions-réponses… SNUIPP.FR

AU-DELÀ DE L’ÉCOLE
Pour le CESE*, « l’EVARS se déploie de manière formelle ou informelle dans tous les contextes de la vie quotidienne, de la famille à l’école en passant par d’autres espaces sociaux fréquentés par les jeunes » ce qui nécessite un portage institutionnel clair investissant tous ces lieux. La sensibilisation des parents et un accompagnement à la parentalité sont entre autres cruciaux, les familles restant le principal lieu de socialisation des enfants mais aussi le premier où s’exercent les violences éducatives et sexuelles.
*Conseil économique, social et environnemental

OSER SE LANCER…
En présentant des propositions d’activités, le programme EVARS est un réel outil. Si peu de ressources institutionnelles existent hormis le vademecum sur les violences sexuelles intrafamiliales, les vingt épisodes de la série « sexotructs » sous forme de questions réponses de trois minutes sont des stop-motions intéressants à découvrir LUMNI.FR

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