La Courneuve, une aventure artistique

En Seine-Saint-Denis, la ville de La Courneuve mise sur la culture à travers un parcours d’éducation artistique et culturelle en partenariat avec l’ensemble des écoles.

« Permettre à chaque élève de bénéficier d’un parcours d’éducation artistique et culturelle (PEAC) chaque année de sa scolarité ». Pour Didier Broch, adjoint au maire, délégué au développement culturel de la ville de La Courneuve en Seine-Saint-Denis, cet objectif est une ambition au service d’un projet politique car « l’accès à la culture est fondamental pour permettre l’épanouissement, l'émancipation et la construction d’une citoyenneté qui fonctionne bien ». Depuis plus de vingt ans, la municipalité est convaincue que tous les enfants doivent être concernés, que la construction de savoirs solides nécessite un temps long et que l'essentiel de la démocratisation se joue à l’école. « Notre rôle est que les enfants courneuviens soient à l’aise dans les lieux culturels et en connaissent les codes, comme peuvent le faire ceux de territoires plus favorisés ». Depuis que la Ville a mis en place le PEAC en 2017, elle l’a enrichi et fait partie des premières villes à recevoir le label 100% EAC octroyé par les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture en 2023.

RICHESSE DES PROJETS

 Pour pouvoir proposer un parcours chaque année aux 5 500 élèves de primaire, la mairie met à disposition des équipes enseignantes une centaine de projets gratuits tout au long de la scolarité (voir ci-contre). Pour chaque parcours, la structure intervenante est prévue. Des objectifs, un descriptif et un déroulement y sont associés. Un parti pris pour qu’un maximum de classes se lancent dans l’aventure. « L’offre du PEAC repose sur un objectif de démocratisation de l’éducation artistique et culturelle pour tous sans exception, explique Marie-Christine Bordeaux, professeure des universités spécialiste de l’EAC. Il est là pour faciliter les choses, mettre des ressources à disposition de manière suffisante et systématique. Un équilibre est prévu pour offrir des pistes de projets qui comportent une possibilité d’ouverture et de personnalisation ». C’est ce qu’apprécie particulièrement Céline Allain, enseignante à l’école maternelle Angela Davis: « Avant leur venue dans l’école, les artistes nous présentent un projet ficelé mais la discussion est toujours possible pour aller plus loin et s’adapter à la classe et à nos envies. » Cette analyse est partagée par Bibata Roamba, comédienne et intervenante dans l’école : « Je viens avec un parcours que je peux mener seule. Mais quand les enseignants proposent des outils ou des évolutions, cela m’enrichit, je m’en sers et modifie avec plaisir. »

“Un objectif de démocratisation de l’éducation artistique et culturelle pour tous sans exception”

Cette complémentarité professionnelle permet de prendre en compte les spécificités des élèves, de leur offrir des temps où ils peuvent s’exprimer chacun à leur manière. « Ils découvrent d’autres univers, d’autres façons d’être », précise Céline. Dans cette ville où il y a plus de cent nationalités, « le PEAC permet aux enfants qui ne parlent pas le français de travailler les narrations par le corps, la musique, la danse, d’entrer dans des narrations multiples », insiste Pascal Mény, conseiller pédagogique départemental arts plastiques (CPD). Les élèves apprennent aussi à se sociabiliser, être curieux. « Cela rentre complètement dans les apprentissages que d’apprendre à poser des questions, écouter une conférencière ou encore répéter l’histoire aux parents ou à d’autres camarades », affirme Soria Cochard, enseignante dans la même école. Cette année, celle-ci a ciblé un parcours sur le Moyen-Âge à Paris à la Conciergerie et à la Sainte Chapelle. « Ce projet complète parfaitement le travail que l’on va réaliser en classe sur les grandes périodes historiques et permet la découverte du patrimoine y compris celui proche de l’école. » Les PEAC “clés en mains” permettent de se lancer dans des domaines qu’elle maîtrise moins. « J’ai pu faire découvrir le jonglage à mes élèves. Une autre année, un chorégraphe est venu et il m’a donné des pistes au sujet de sa discipline que j’ai pu réutiliser ensuite. » Les PE ne peuvent, en effet, pas avoir la technicité dans tous les champs convoqués par l’EAC. La variété des projets permet de dépasser les activités proposées en arts plastiques ou en enseignement musical où les PE se sentent plus souvent à l’aise.

UN PARTENARIAT À TRAVAILLER

 L’équipe des conseillers pédagogiques s’interroge, avec les responsables de projets PEAC de la mairie, sur des manières d’engager plus de collègues ou de mieux les accompagner. S’il ne peut former à l’ensemble des projets, le conseiller pédagogique se rend disponible pour les conseils des maîtres et maîtresses. Pour Pascal, l’appropriation de gestes professionnels plus fins aiderait notamment les PE en début de carrière. « Ils doivent découvrir le métier, les élèves. Et quand il faut aussi s’approprier un monde artistique nouveau, ils se cantonnent parfois à un poste d’observateur. » Dans cette ville où toutes les écoles sont en REP+, ce CPD propose, au milieu des autres priorités institutionnelles, une formation sur le temps de classe avec un atelier de pratique artistique et un autre jour dans un musée pour créer des dynamiques partenariales. « L’important, c’est que chacun se sente légitime et qu’il y ait une rencontre entre ceux qui ont une expertise artistique et ceux qui ont une expertise pédagogique. » Ce travail est indispensable, selon Marie-Christine Bordeaux, car s’il est nécessaire que la mairie impulse, « il est aussi essentiel que l’Éducation nationale montre qu’elle est attentive, qu’elle encourage et valide l’importance de ces pratiques. Un modèle est aussi à inventer pour associer les temps périscolaires à ce type de projet. »