Ces élèves qui bousculent l’école

Mis à jour le 17.11.18

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Les enfants au comportement perturbateur sont bien présents dans les classes

Pour qu’en mars dernier, le ministère se décide à publier le guide de « prévention des risques professionnels confrontés à des situations difficiles avec des élèves à besoins éducatifs particuliers ou au comportement perturbateur », il fallait bien que le problème ait pris une certaine ampleur. Depuis plusieurs années maintenant, le SNUipp et la FSU alertent l’institution à propos des difficultés à faire la classe de plus en plus fréquemment signalées par les PE, en raison de la présence dans leurs effectifs d’élèves au comportement perturbateur. Le guide constitue un premier signe de prise de conscience du ministère, mais ce n’est pas non plus la panacée face à une situation qui demande aussi la mise en œuvre de moyens en personnels, en formation et en accompagnement appropriés et demanderait moins d’effectifs par classe. 

Si on parle de plus en plus de ces enfants perturbant la classe, ce n’est pas le fruit du hasard. Longtemps l’école s’est accommodée de l’image presque attendrissante du petit cancre. Il est vrai qu’à l’époque pas si lointaine que ça, celle des Trente glorieuses, échouer à l’école portait moins à conséquences qu’aujourd’hui. Depuis, la musique a changé. La massification s’est conjuguée avec la volonté affichée de démocratisation quand l’école jusque-là était très tôt beaucoup plus sélective et élitiste. Les enfants d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, puisque la société a évolué.

LA CRISE QUI PASSE LES MURS DE L’ÉCOLE

Mais la massification n’est pas la seule responsable de la diversification des publics scolaires qui permet d’accueillir aujourd’hui des enfants qui jusque-là restaient à la porte. La crise sociale, économique, culturelle qui sévit depuis de nombreuses années et singulièrement depuis 2008, a depuis longtemps franchi les murs de l’école. Décalés, agités, agressifs quelquefois, ces élèves perturbant la classe, empêchant parfois le maître de faire classe sereinement, ne sont pas rares. « Les raisons qui peuvent expliquer que le comportement de certains enfants perturbe la classe ne sont pas une caractéristique intrinsèque à l’enfant », explique la psychologue et maître de conférence Florence Savournin. « Ce qui caractérise l’enfant est qu’il se situe dans un contexte familial, social, scolaire, dans un rapport aux savoirs particulier. C’est ce contexte qui peut aider à comprendre », précise-t-elle. Comprendre ces élèves éloignés des normes scolaires est important. Mais faire avec dans sa classe et leur permettre d’entrer dans les apprentissages, l’est tout autant. Rien ne va de soi, il n’existe aucune recette toute faite, chaque situation est un cas particulier pour lequel il faut trouver des réponses et des pratiques adaptées, mettre en œuvre des gestes professionnels. Avec les personnels RASED, l’école pourrait mieux faire en accompagnement et en remédiation, mais avec le manque d’enseignants spécialisés et de psychologues, cela devient très difficile. Évidemment, face à certaines pathologies l’école a ses limites. « Mais des réponses du côté du collectif, de l’inter-métier, de la mise en place d’analyses de pratiques et de la formation doivent être recherchées », conseille Florence Savournin.

PLUS FACILE À PLUSIEURS

À l’école maternelle Anatole France d’Antony dans les Hauts-de-Seine, l’équipe est confrontée chaque année à des élèves dits "éruptifs ". Le bureau de la directrice sert de sas de décompression quand les enfants sont trop en tension, un gros tigre en peluche y est installé sur lequel ils déchargent leur colère. L’important pour les maîtresses est de « rester fermes et exigeantes pour donner du cadre, mais, tout en créant les espaces de déchargement ». À l’école élémentaire Rugault à Sens dans l’Yonne, depuis son arrivée il y a un an, le directeur et l’équipe ont mis en place un protocole basé sur l’EMC qui permet d’apaiser les enfants perturbant la classe, comme les autres élèves. Ce que montrent ces deux équipes, c’est qu’il existe des démarches qui fonctionnent, mais elles impliquent une réflexion et un travail collectif pour croiser les regards et s’enrichir de l’expérience des autres. Thierry Troncin, docteur en sciences de l’éducation précise les enjeux d’une telle approche. Il prône de réaliser collectivement « une forme d’analyse de la pratique pour tenter d’identifier l’origine des comportements déviants répétés ». « Ensuite, dit-il, on peut échanger sur les réponses que l’on a testées pour trouver celles qui deviennent communes. Cela permet de déculpabiliser et de sortir de la solitude. »

Depuis nombre d’années, au sein des CHST, la FSU aura plus d’une fois tiré la sonnette d’alarme face à ce qui constituait un déni de la souffrance au travail des enseignants confrontés à ces situations. Ce n’est qu’en mars dernier que le MEN a publié un guide de « prévention des risques professionnels confrontés à des situations difficiles avec des élèves à besoin éducatifs particuliers ou au comportement perturbateur ». L’institution prend progressivement conscience de la nécessité d’accompagner les PE. Mais le manque de personnels RASED, parfois de soutien hiérarchique, et surtout de formation ainsi que des effectifs toujours élevés dans les classes, maintiennent un accompagnement très en deçà des problématiques et besoins soulevés par les enseignants.

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