Mouans-Sartoux : trop bio la cantine !

Mis à jour le 24.06.18

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Coup de projecteur sur une commune qui a réussi à faire de l’alimentation durable, un projet à l’échelle de tout un territoire.

Le 26 mai dernier, les députés décidaient qu’au moins « 50% de produits bio, locaux ou sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO), dont au moins 20 % de produits bio » devraient être servis dans la restauration collective d’ici à 2022. Cet article 11 de la loi agriculture et alimentation fait office de rescapé dans un texte qui a par ailleurs peu résisté aux assauts lobbyistes. 

À Mouans-Sartoux, ville moyenne de l’ouest des Alpes-Maritimes à majorité écologiste, la mise en place d’un projet de grande envergure a permis d’atteindre l’objectif de 100% de bio sur l’ensemble de la restauration collective communale (cantines scolaires, du personnel municipal et crèches) et ce depuis… 2012. Devenue première commune de plus de 10 000 habitants à réussir ce pari, elle s’est lancée modestement en 1999 en pleine crise de la vache folle avec 4% de produits bio dans les menus. Dix ans plus tard, elle lance une régie de production après le rachat de parcelles agricoles préemptées en lieu et place d’un gros projet immobilier. En 2011, les cantines bio à 73,6% travaillent pour réduire le gaspillage et un agriculteur municipal est embauché. Depuis, la ville, membre fondatrice de l’association nationale Un Plus Bio, premier réseau des cantines « rebelles » (comprenez bio) ne cesse de travailler à l’amélioration et à la transmission du cercle vertueux qu’elle a su créer. Son président, Gilles Pérole, également maire adjoint à l’éducation à Mouans-Sartoux précise qu’il n’y a pas de « taille critique » d’une commune pour réussir ce type de projet. « Toutes les villes quelle que soit leur taille peuvent bouger, mais bien sûr il faut dimensionner les projets en fonction des contraintes locales ». Et l’élu d’ajouter : « Une ville comme Paris peut trouver à s’approvisionner en bio à moins de 200 km alors que c’est plus difficile pour Mouans-Sartoux. A l’inverse une toute petite commune qui confie la cantine scolaire au restaurant du village peut imposer d’utiliser des produits bio et locaux ».

11 Platchaud

« Toutes les villes quelle que soit leur taille peuvent bouger, mais bien sûr il faut dimensionner les projets en fonction des contraintes locales »

Diminuer les pertes 

Depuis qu’elle est passée au bio, la commune a peu augmenté son « coût denrées ». « Nous sommes passés de 1,92 € avec 25% de bio en 2008 à 2,04 € aujourd’hui avec 100% de bio », précise l’élu. Pour réussir ce pari il a fallu tabler sur la réduction drastique des déchets.      « De 147 g, il y a 10 ans, nous sommes passés à 32 g de déchets par jour et par repas », explique Léa Sturton, en charge de la qualité de l’alimentation sur la ville. À la cantine, les enfants ont le choix des quantités qu’ils prennent avec des plats présentés en trois portions différentes. « Chacun prend en fonction de ses besoins et peut venir se resservir au besoin » ajoute-t-elle. L’expression « manger à sa faim » prend ici tout son sens et « nous réalisons une économie de près de 20 centimes par repas », estime Gilles Pérole.
Enfin, depuis l’an dernier, 80 % des légumes des 1000 repas cuisinés chaque jour sur les trois groupes scolaires proviennent de la régie agricole municipale d’Haute-Combe. « La première année nous y avons produit une tonne de pommes de terre, il fallait bien démarrer », raconte Laureen Traclet, ingénieure agronome coordonnatrice du projet. « Depuis nous avons grandi et retourné le processus. Les menus sont constitués dans un dialogue permanent avec l’unité de production agricole et les fournisseurs locaux ». Et Gilles Pérole de conseiller : « Passer au bio ce n’est surtout pas faire des journées ou des semaines bio ». Pour l’élu, il faut « privilégier des produits ciblés afin de permettre à des filières locales de se développer en leur fournissant un marché régulier ». En 2016, une unité de conservation est achetée afin de surgeler les surplus de l’été et les réutiliser l’hiver quand la demande est la plus forte. Deux tonnes de légumes ont ainsi été conservées en 2017, ce qui devrait permettre, à terme, à la régie, de fournir 100% des besoins.

Bio Régal

Dans les classes, ce projet alimentaire territorial trouve toute sa place avec des ateliers de jardinage sur la régie agricole ou encore des séances sur l’équilibre alimentaire

Éduquer à l’alimentation durable

Dans les classes, ce projet alimentaire territorial trouve toute sa place avec des ateliers de jardinage sur la régie agricole ou encore des séances sur l’équilibre alimentaire en lien avec le parcours santé. « Le quotidien d’un élève de 8 ans, c’est l’école, la cantine, sa ville. Ici, il peut rencontrer l’agriculteur qui produit les légumes qu’il mange à table. C’est une très grande richesse », raconte Camille Bouissou, conseillère pédagogique et enseignante de la commune jusqu’à l’an dernier. L’an prochain, des classes de découvertes sans hébergement verront le jour sur le domaine de Haute-Combe.
Son action, la commune ne l’interrompt pas à la porte de l’école. Des « défis » mis en place par la Maison d’éducation à l’alimentation durable (MEAD) permettent aux habitants d’apprendre à manger mieux et pas plus cher ou encore de mieux gérer leurs déchets. Accompagnées, ils bénéficient d’ateliers et de l’appui de professionnels. Une étude menée par la MEAD en 2016 a notamment permis d’évaluer que 85% des familles ont fait évoluer leurs pratiques alimentaires, inspirés par la politique municipale. « Mon enfant mange bio à la cantine, je ne pouvais pas ne pas modifier nos comportements à la maison » témoigne ainsi Delphine Boisin, maman d’élève très impliquée. Vous avez dit cercle vertueux ?

Article 11, du mieux mais à suivre

« 20% de bio minimum » c’est ce que veut retenir, Florent Guhl, président de l’Agence bio (GIC). Il note par contre deux points de vigilance dans la mise en place de l’article 11 de la loi agriculture et alimentation. D’abord la question des « 50% de produits bio, locaux ou sous signe d’identification de la qualité et de l’origine » qui pour partie restent d’une définition assez floue. Les « produits locaux n’ont pas de définition juridique et selon le mode de production impactent davantage l’environnement que des produits bio produits plus loin », pointe-t-il. Enfin et surtout, l’agence s’inquiète de la qualité des contrôles qui seront effectués sans « une véritable démarche de certification pour l’analyse du cycle de vie des produits consommés dans les cantines ».