Évaluer : une question de métier

Mis à jour le 02.09.18

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Les évaluations au CP et au CE1 généralisées à cette rentrée et annoncées à grand renfort de communication marquent le retour des évaluations nationales standardisées. Avec la mise en place à venir de l’agence de l’évaluation, cette "culture de l’évaluation", selon les termes du ministre, serait la première étape d'un pilotage par les résultats.

La forme et le contenu de ces évaluations détermineront aussi bien les contenus d’apprentissage à privilégier que les méthodes que le ministère cherche à imposer dans la suite logique des circulaires sur le français et les mathématiques, parues au printemps dernier.
Le protocole proposé pour les CP que le SNUipp n’a pu consulter à ce jour que par écran interposé lors du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) du mois de juin, dépossède les enseignants aussi bien de la conception des items que de l’analyse des résultats. Ainsi, toutes les réponses seront à saisir en ligne « tels qu’elles auront été produites par les élèves » et une application nationale traitera les données pour délivrer ensuite des résultats et des pistes de remédiation.

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Des évaluations instrumentalisées

Or, comme le souligne le sociologue Pierre Merle intervenant à l’Espé de Bretagne, « penser que le travail pédagogique du professeur dans sa classe puisse être piloté par des évaluations nationales manifeste une méconnaissance du travail pédagogique effectif que le professeur doit réaliser ». Il observe, à l’inverse des besoins réels de la classe que « les évaluations standardisées font souvent l’objet d’une instrumentalisation politique et d’interprétations sommaires conduisant le ministère par exemple à recentrer davantage les apprentissages sur les ‘’fondamentaux’’ ».

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La France n’est pas la première à vouloir mettre en place une politique éducative qui s’appuie sur des évaluations standardisées. Depuis plus de trente ans, dans les pays anglo-saxons, elles agissent fortement sur le travail enseignant et ont conduit à la pédagogie tant décriée du « teach to test », dans laquelle les enseignements sont principalement centrés sur la réussite aux tests. Des tests dont les résultats ont ensuite une forte incidence sur les crédits alloués aux écoles… ou les salaires des enseignants.

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Évaluer pour classer

Ces « évaluations classantes », dit Bernard Rey, professeur en sciences de l’éducation, « faites à partir de critères et d’indicateurs nationaux » ne peuvent que permettre de « comparer les résultats des élèves entre eux sans regard et analyse de l’origine de leurs erreurs ». 

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Aussi, bien loin du modèle d’une « école bienveillante et de la confiance », pourtant martelée tous les quatre matins sur les ondes par le locataire de la rue de Grenelle, ce type d’évaluation ne permet pas de valoriser ce que l’élève sait ou sait faire ni de lui montrer ses progrès ou le chemin qui lui reste à parcourir.

Ces évaluations pourraient bien n’être qu’un instrument à des fins politiciennes tout en dépossédant les enseignants de leur professionnalité.En plus de déposséder les enseignants de leur professionnalité, ces évaluations restent aveugles à l’étude des progrès de chaque élève, et pourraient être utilisées à des fins de contrôle des pratiques enseignantes, voire de mise en concurrence des écoles. Une véritable évaluation formative ne peut être que conçue et analysée par les enseignants qui doivent l’inscrire dans un projet de classe et d’école. Celui-ci permet de prendre en compte le contexte d’exercice au plus près des besoins des élèves pour véritablement favoriser et démocratiser la réussite de tous.

Le SNUipp-FSU réaffirme que les enseignants sont des professionnels concepteurs et non de simples exécutants. Il invite les équipes pédagogiques à reprendre la main sur toute évaluation proposée. Dans une véritable école « de la confiance », ni les élèves ni les enseignants ne doivent être soumis au stress permanent d’une évaluation à laquelle ils n’accordent que peu de sens. Des évaluations par échantillon peuvent être nécessaire pour analyser un système éducatif, mais elle ne saurait se confondre avec l’évaluation formative, conçue et analysée par les enseignants pour conduire les apprentissages.
Les évaluations proposées en cette rentrée ne répondent ni à l’une ni à l’autre de ces préoccupations.