École normale ou normalisante ?

Mis à jour le 12.04.24

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Le Président a annoncé la mise en place d’un changement de l’architecture de formation des professeurs des écoles. Cette nouvelle architecture d’un concours fin L3 avec deux années de formation rémunérées et validées par un master, aurait tout à fait pu permettre une formation ambitieuse tout en favorisant une meilleure entrée dans le métier. A l'opposé, le ministère met en place une formation déqualifiée, visant à formater et rend ainsi ce projet inacceptable.

Une nouvelle architecture

La proposition d’une nouvelle organisation, présentée comme une réponse à la crise d’attractivité actuelle, est d’abord un désaveu majeur de la précédente réforme que le Président Macron avait pourtant lui-même portée et qui était censée y répondre… La FSU-SNUipp avait d’ailleurs en 2022 contesté et combattu la réforme de la formation initiale mise en œuvre par Jean Michel Blanquer.

A l’heure actuelle la nouvelle réforme de la formation s’organiserait ainsi :

  • Un « cycle préparatoire »” post-bac de 3 ans intitulé « Licence Préparatoire au Professorat des écoles »avec la volonté d’en faire la voie d’accès principale (80% des reçus au concours seraient issus de cette nouvelle licence) ;
  • Un concours de recrutement à BAC +3 ;
  • Un « cycle supérieur », aboutissant à la qualification Master, de 2 années dispensées par les Écoles Normales Supérieures du Professorat (ENSP), soit « les écoles normales du 21ème siècle ».

Le projet prévoit que ces deux années seraient rémunérées : 900 euros en M1, et 1800 euros en M2.

L’architecture envisagée - avec un recrutement à bac +3, suivi de deux années de formation initiale, aurait pu satisfaire la FSU-SNUipp, qui porte dans ses mandats le recrutement à bac + 3 suivi de deux ans de formation rémunérées, si la ligne rouge n’avait pas été franchie. En effet, en proposant des contenus, pour la licence comme pour le Master, qui entraineront une déqualification professionnelle dangereuse, le gouvernement rend cette réforme inacceptable.

La voie d’accès privilégiée par la licence spécifique PE risque d’engendrer encore plus de problèmes d’attractivité. Actuellement, les licences d’accès au métier sont diversifiées et la part de futur·es PE en reconversion est importante, la nouvelle réforme risque de barrer l’accès par ces voies-là. Enfin, que pourront faire ces étudiant·es qui après une licence spécifique PE décideraient de se réorienter ?

Former ou formater ?

La forme détermine en effet souvent le fond : cette réforme l’illustre parfaitement. La création d’une licence et d’une école spécifique -détachée de l’Université et donc de la recherche - montre une volonté du Ministère de reprendre la main sur l’ensemble des contenus de la formation des futur·es enseignantes et enseignants. Il s’agit ni plus ni moins de formater les étudiantes et étudiants aux « bonnes pratiques » en lien avec le « choc des savoirs » : manuels labellisés, nouveaux programmes, évaluations standardisées du CP au CM2...

Une vision étriquée du métier enseignant où les PE sont considéré·es comme de simples exécutant·es de pratiques normées éloignées de savoirs universitaires et d'une approche réflexive : les gestes enseignants, la pédagogie, la didactique sont réduites à des recettes dénuées de toute complexité. Une complexité qui est autant la réalité du quotidien des personnels que la richesse du métier. Cette réforme fait également écho à celle du « choc des savoirs » qui par le biais de manuels labellisés viendra enfreindre la liberté pédagogique et contrôlera les pratiques à travers la mise en place de nouveaux programmes.

Une déqualification professionnelle et une mise sous tutelle inacceptable en l’état

La création de cette licence spécifique est une occasion de mettre un peu plus les personnels sous tutelle. Elle ne renforcera pas l’attractivité du métier enseignant qui repose par ailleurs sur d’autres facteurs comme l’amélioration des conditions de travail ou de la rémunération auxquels le Ministère serait bien inspiré de répondre.