Un problème, une résolution
Mis à jour le 27.11.24
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Dès la maternelle, les problèmes doivent être pensés comme une activité complexe qui permet à tous les élèves d'accéder à des savoirs mathématiques robustes. En leur permettant d'agir sur la situation, les élèves prennent plaisir à s'engager dans les activités.
Magali Hersant est professeure des universités en sciences de l'éducation et de la formation, spécialité didactique des mathématiques à l’université de Nantes. Elle mène depuis dix ans des travaux sur l'entrée dans les apprentissages mathématiques à la maternelle.
“Prendre plaisir à s’engager dans les activités”
L’ÉCOLE CRÉE-T-ELLE LES PREMIÈRES INÉGALITÉS ET LES PREMIERS MALENTENDUS ?
Des travaux sociologiques et didactiques mettent en évidence que l’école est le lieu de pratiques différenciatrices, parfois passives. Des activités différentes peuvent être proposées aux élèves supposés fragiles, en les limitant à des exercices techniques, les empêchant alors d'accéder à des savoirs mathématiques robustes. Il n’est pas question de porter la responsabilité sur les personnels mais bien de chercher des solutions au processus de production d’inégalités, qui se constituent à leur l’insu. Les programmes, qui insistent plus sur les compétences avec une visée de réussite court-termiste, rendent difficile la recherche des savoirs en jeu et des apprentissages pour les acquérir. Pourtant, leur identification et leur explicitation sont indispensables pour éviter les malentendus à la base des difficultés de certains élèves. Autrement dit, un élève peut sembler avoir réussi une activité selon l’enseignant sans pour autant en avoir compris les raisons, ni appris de nouvelles connaissances.
QU’APPELEZ-VOUS “FAIRE DES MATHÉMATIQUES” À LA MATERNELLE ?
Il en existe plusieurs manières, dont la pratique de la résolution de problèmes, une activité complexe qui, par la recherche de solution, permet de construire des savoirs mathématiques émancipateurs. A condition de respecter un cadre « secure » bien défini. Tout d’abord, il est essentiel que les élèves s'autorisent à ne pas savoir, au risque de proposer des solutions aléatoires juste pour satisfaire l’enseignant. Or, c’est bien pour apprendre qu’ils viennent à l’école. Confrontés à des situations problèmes, les élèves découvrent que l’avis de l’enseignant compte moins que leur capacité à agir et à valider leurs propres propositions. En didactique, nous sommes attachés à l’idée de validation et de rétroaction. Ainsi, dans la situation du train, où les élèves doivent aller chercher des voyageurs de manière à ce qu’il n’y ait pas de siège sans voyageur, ni de voyageur sans siège, les élèves visualisent eux-mêmes immédiatement si leur solution est correcte, en installant les voyageurs sur les sièges. La situation, qui doit être réalisée plusieurs fois sur un temps long permet de construire la procédure du dénombrement comme procédure experte.
“Lorsque le jeune enfant trouve la solution à son problème, il se réjouit de maîtriser la situation”
QUELLES POSTURES ADOPTENT LES ÉLÈVES ?
L’école maternelle va inscrire l’élève dans un premier contrat didactique en mathématiques et dans un premier rapport aux savoirs mathématiques. Quand le cadre est clair, les élèves développent une attitude critique sur leurs actions comme celles des autres dans un climat serein. Ils osent s’exprimer, proposer des solutions, échanger et débattre. Lorsque le jeune enfant trouve la solution à son problème, il se réjouit de maîtriser la situation. Cette expérience du pouvoir d’agir permet de prendre plaisir à s'engager dans les activités mathématiques. Si construire ce pouvoir dès le plus jeune âge est important, il convient de le cultiver tout au long de la scolarité.
À QUEL NIVEAU SE SITUE L'ACTION ENSEIGNANTE ?
De nombreux éléments s’anticipent. Lors du choix d’une situation, l'enseignant doit réfléchir aux savoirs en jeu et à la manière de les institutionnaliser, mais aussi au rôle du matériel utilisé. D’une situation à l’autre, ce matériel peut avoir une fonction différente. L’enseignant doit aussi anticiper la consigne et les régulations : s’il induit la procédure dans la consigne, en demandant par exemple de compter ou en commençant par “combien”, le problème sera annihilé. L’enseignant doit aussi veiller à « contraindre » la situation pour éviter que les élèves réussissent sans avoir emprunté le chemin cognitif attendu, ce qui les empêche de construire les connaissances souhaitées. Tout cela nécessite d’avoir soi-même développé un certain rapport aux mathématiques. Un enseignant, qui n’est pas à l’aise, aura tendance à fermer les situations. Or, les élèves ont besoin que l’enseignant soit ouvert à leurs propositions pour développer leurs connaissances.