“Un équilibre entre contraintes et ressources”
Mis à jour le 26.11.25
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La notion de santé au travail a évolué depuis les années 80. Les risques psycho-sociaux, la sécurité, mais aussi la qualité de vie sont à prendre en compte. La MGEN, en tant que mutuelle partenaire de l’Education nationale, travaille régulièrement sur les différents aspects de la vie au travail, les préventions et les leviers à actionner.
Laurence Fabrié est consultante formatrice management des ressources humaines et santé.

VOUS FAITES LE DISTINGUO ENTRE QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL, SANTÉ AU TRAVAIL ET RISQUES PSYCHOSOCIAUX, POURQUOI ?
Il est important de repartir de la notion de santé au travail du début des années 80 qui n’est pas une absence de maladie ou d'infirmité mais qui traite des éléments physiques et mentaux pouvant affecter la santé, la sécurité et l'hygiène au travail dans une logique de protection des personnes. Dans les années 90/2000, la notion de risques psychosociaux apparaît et est médiatisée par des situations dramatiques, comme cela a été le cas à France Telecom (plusieurs suicides suite à la restructuration de l’entreprise, NDLR). Tout un corpus législatif et réglementaire oblige ainsi l'employeur à garantir la sécurité mais aussi la santé physique et mentale avec une obligation de prévenir les risques professionnels dont les risques psychosociaux. La notion de qualité de vie au travail apparaît, elle, en 2013. Elle désigne un ensemble d'actions qui permettent de concilier l'amélioration des conditions de travail et la performance de l’entreprise ou le service rendu pour les services publics.
CES TROIS NOTIONS NE SONT-ELLES PAS INTIMEMENT LIÉES DÈS LORS QUE LA MISE EN CAUSE DE L’UNE D’ENTRE ELLES PEUT IMPACTER LES DEUX AUTRES ?
Si je donne plus de sens au travail, si j'élimine à la source les causes de violence externe dans la relation au public, si je travaille sur une charge de travail plus équilibrée et sur de meilleures relations dans l’équipe de travail, évidemment cela va impacter très positivement la qualité de vie et les conditions de travail des personnes. Cela va très certainement aussi améliorer le service que je rends et donc agir sur une meilleure santé au travail, qu'elle soit physique ou mentale. Ces différentes logiques de ces trois notions s’associent et sont intimement liées avec, au centre, le travail mais il est important de les distinguer dans la manière dont on va les aborder, les analyser et dans la manière dont on va travailler à la prévention de ces risques.
“Partir du travail réel pour construire, tout au long de sa vie professionnelle, des outils de développement de compétences adaptés”
QUE PERMET LA LOGIQUE DE PRÉVENTION DES RPS ?
Les enseignants sont exposés à divers facteurs de risques psychosociaux parmi les six dimensions définies par le sociologue Michel Gollac : l'intensité, la complexité et le temps de travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie, les rapports sociaux au travail, les conflits de valeurs et l’insécurité de la situation de travail. La logique de prévention invite à s'interroger, à analyser les facteurs de risque, à voir quels sont les équilibres et les déséquilibres et à trouver des leviers d'action qui vont permettre de rétablir dans la situation de travail un équilibre entre contraintes et ressources. Est-ce que j'arrive à avoir une situation équilibrée dans laquelle je peux m'épanouir, me développer professionnellement et personnellement ? Ou est-ce qu'effectivement, je suis dans une situation qui présente nombre de déséquilibres et sur laquelle il va falloir travailler à la fois en matière de protection, de prévention dans l'objectif de promouvoir une qualité de vie au travail qui sera meilleure ? Si j'ai une forte intensité du travail et une forte charge mentale mais qu’à côté j'ai beaucoup d'autonomie, un grand soutien professionnel de la part de mes collègues et de ma hiérarchie, je vais être dans une situation équilibrée où les ressources vont compenser un certain nombre de facteurs de contrainte. En revanche, si j'ai peu d'autonomie, pas les compétences adaptées pour faire mon métier, des rapports sociaux au travail compliqués, je vais être dans une situation qui est beaucoup plus déséquilibrée et beaucoup plus complexe.
“Le travail en équipe permet de ne pas se sentir seul, de développer des facteurs de protection dans la manière de travailler ensemble”
COMMENT RÉDUIRE LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX ?
Le premier levier est le travail en équipe notamment lorsqu’on est confronté à des situations complexes regroupant différents facteurs de risques. Il permet de ne pas se sentir seul, de développer des facteurs de protection dans la manière de travailler ensemble en partageant des pratiques professionnelles, en décloisonnant les équipes, en ayant des temps et des espaces de parole qui sont dédiés dans lesquels on va évidemment parler de projet, du fonctionnement de l’école, de sa classe mais aussi où l’on va s’autoriser à parler et travailler sur des situations sensibles. Le deuxième est la formation. Le métier d’enseignant est un métier qui se forge dans l’expérience quotidienne et les enseignants sont très vite confrontés à la réalité du travail. Il importe donc du travail réel pour construire, tout au long de sa vie professionnelle, des outils de développement de compétences adaptés à l'évolution du métier et aux problématiques rencontrées. Des compétences qui permettent d’avoir des marges de manœuvre et donc d’avoir une charge de travail moins subie. La question du sens du travail est aussi à travailler. Même si c'est difficile, quand on se sent utile, quand on donne du sens à ce qu'on fait, quand on sort des injonctions paradoxales et qu'on est en capacité d'avoir une vision collective qui donne un sens commun au travail au quotidien, on sera moins sujet à l’apparition de troubles psychosociaux.