Travail autour de la lecture de l'image
Mis à jour le 18.12.23
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Ses recherches portent sur les pratiques effectives de l’enseignement de la littérature et sur les apprentissages en jeu dans les situations didactiques mais aussi sur les évolutions dans le champ de la bande dessinée.
“Faire une place conséquente au travail de lecture de l’image”
Hélène Raux, est maîtresse de conférences en littérature et langue françaises à l’Inspé de Paris (Sorbonne Université). Ses recherches portent sur les pratiques effectives de l’enseignement de la littérature et sur les apprentissages en jeu dans les situations didactiques mais aussi sur les évolutions dans le champ de la bande dessinée, comme la bande dessinée de vulgarisation ou la bande dessinée de reportage. Elle vient de publier « La bande dessinée en classe de français. Un objet disciplinaire non identifié », PU de Rennes (2023)
La BD est peu travaillée à l'école, pourquoi ?
En effet, alors qu’elle fait partie des premières listes d’ouvrages recommandés en 2002 pour enseigner la littérature, souvent la BD n’est pas retenue prioritairement par les enseignantes et les enseignants, qui ne trouvent pas le temps de faire tout ce qui est prescrit dans les programmes. J’y vois deux raisons principales. Tout d’abord, ils ne se sentent pas légitimes, disent mal connaître la narration en images et ne pas savoir comment faire travailler les élèves. Par manque d’outillage, ils ont l’impression de n’être pas compétents sur ce support, si peu présent, et qu’ils n’ont jamais rencontré eux-mêmes pour la plupart comme élève et après, en formation. La deuxième explication, c’est l’idée très répandue que ce sont des lectures vers lesquelles les élèves se tournent facilement et qu’ils n’ont pas tellement besoin de l’accompagnement de l’école pour les lire. Mais la BD est largement reconnue dans la sphère culturelle, c’est une forme de création et de lecture à part entière, à laquelle l’école devrait aussi former.
Comment peuvent-elles être lues en classe comme des œuvres littéraires à part entière ?
Si elles sont choisies au même titre qu’une œuvre littéraire, pour un ensemble de facteurs qui conduisent à préférer plutôt tel roman à tel recueil de contes, pour la richesse que l’enseignante ou l’enseignant y trouve aussi bien dans le traitement d’un thème, l’originalité de ce qui est raconté, la dimension esthétique et graphique qui est sa spécificité, alors il n’y a aucune raison de ne pas faire le même type de travail que ce que l’on ferait en lisant une autre œuvre. Il faut toutefois faire une place conséquente au travail de lecture de l’image. C’est sûr que c’est déroutant pour les PE qui ont développé des habitudes sur la manière de travailler un texte, qu’il faut revoir un peu pour intégrer tout ce qui est porté en termes de narration par l’image.
“L’idée répandue que la BD est facile à lire a tendance à faire oublier
qu’elle nécessite tout un étayage notamment en termes de construction du récit”
Comment en faire un objet d'apprentissage ?
Il faut être au clair avec ce que l’on veut faire apprendre. On peut imaginer un réseau sur les pirates, où l’on intégrera un extrait de bandes dessinées, pour compléter l’approche du pirate en tant que type de personnage à travers une diversité d’œuvres. Et puis il y a des apprentissages spécifiques dans l'accompagnement de la compréhension. L’idée répandue que la BD est facile à lire a tendance à faire oublier qu’elle nécessite tout un étayage notamment en termes de construction du récit : parfois les élèves scène constitue un retour en arrière par rapport à une scène précédente ou ils n’identifient pas toujours le nom du personnage avec le personnage. Il y a un vrai enjeu d'apprentissage d’en faire des lecteurs plus experts de BD pour qu’ils puissent avoir accès à une diversité d’albums, moins faciles ou moins linéaires que ceux qu’ils plébiscitent dans leur lecture privée. Mais aussi qu’ils ne décrochent pas de la lecture de BD en grandissant, car on constate un arrêt fréquent de cette lecture à l’adolescence.
Qu'attendre d'un travail de production d'écrit sur la BD ?
On peut assez facilement faire produire de l’écrit, demander aux élèves de compléter un blanc dans le texte ou de travailler sur le journal d’un personnage absent, ce qui va de pair avec un étayage de la compréhension en lecture avec des inférences, des ellipses… Mais produire une BD demande d’être très au clair avec ce qu’on en attend, de faire la part entre le dessin et l’écriture. Veut-on que les élèves dessinent ou simplement qu’ils planifient l’organisation d’une planche, un découpage ? Même si l’on peut faire produire des petits dessins un peu schématiques ou travailler un angle graphique, le travail est complexe et demande de s’engager dans un temps assez long. On peut envisager d’importants apprentissages en français en faisant projeter une narration où on ne raconte pas ce qui se passe, mais où on décrit le découpage que l’on pourrait faire en images, avec une écriture un peu scénaristique comme un story-board : c’est une activité exigeante, une piste intéressante à explorer en écriture.