Les mathématiques, toute une histoire ?
Mis à jour le 28.12.23
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Des enseignantes et enseignants s'appuient sur des histoires pour faire vivre les mathématiques au quotidien.
Nathalie Sayac est professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspé de Normandie Rouen-Le Havre, engagée dans la formation des enseignant•es du primaire dans les académies de Créteil et de Normandie. Autrice d’albums jeunesse : 5 bisous pour bien grandir (2-3 ans), Petites histoires mathématiques : nombres et mesures (3-5 ans), Petites histoires mathématiques : calculs, problèmes et formes géométriques (5-7 ans)
“Une imprégnation des procédures ou des propriétés”
Quel type d'albums écrivez-vous ?
J’ai écrit plusieurs histoires mathématiques pour des enfants entre 3 et 5 ans et entre 5 et 7 ans. Je les ai conçus avec l’idée que la dimension plaisir de lire est la dimension première. J’aimerais que ces albums soient lus comme les autres histoires et que les enfants prennent plaisir à retrouver Léa et Anatole, les deux personnages récurrents. Mais ils permettent aussi d’aborder des notions mathématiques. Les enfants, à travers ces lectures, vont, en effet, rencontrer des situations du quotidien où les mathématiques permettent de résoudre des problèmes qu’ils peuvent se poser tous les jours. Je pars du principe qu’un enfant qui prend plaisir à la lecture d’un album, aime qu’on le lui lise et relise. Cette répétition amène une imprégnation des procédures ou des propriétés mathématiques qu’il rencontre et qu’il pourra convoquer plus tard.
Comment ces albums permettent-ils d'aborder les mathématiques en maternelle ?
Chaque album traite d’un domaine mathématique particulier : géométrie, résolution problème, numération. Ils sont structurés de manière identique. Léa et Anatole se posent des questions que peuvent se poser des enfants de maternelle ou d’élémentaire. Qui est le plus grand des deux ? Combien j’ai de billes de plus que toi ? Combien de jours il reste jusqu’à mon anniversaire ? Les deux enfants essaient ensuite plusieurs stratégies, mettent en place des procédures diverses et résolvent le problème. À la fin de l’histoire, une adulte ou une grande sœur propose une procédure experte. Elle n’est parfois pas immédiatement compréhensible pour eux. Mais elle est là, comme un horizon qu’ils atteindront plus tard. Cela permet de donner à voir aux élèves ce qu’ils peuvent utiliser. L’illustration est aussi un support qui permet de visualiser les tâtonnements et les réussites des deux personnages, présentées de manière égalitaire, fille/garçon.
“J’ai choisi une héroïne qui aime les mathématiques et les rencontre tous les jours
pour contrer le discours récurrent sur les résultats des filles plus faibles que ceux des garçons”
Quelles pistes d'utilisation concrètes en classe ?
J’ai voulu présenter des situations de référence. Elles peuvent être le point de départ ou le prolongement d’ateliers en classe. Les élèves découvrent les problèmes posés et tentent de les résoudre avant de découvrir comment Léa et Anatole ont fait. Ils peuvent aussi reproduire avec leur corps dans la cour les figures géométriques comme les personnages l’ont fait dans l'histoire. Mais elles sont aussi transférables. Les élèves peuvent, par exemple, utiliser les procédures mises en avant pour résoudre des problèmes de quantité de billes pour tout autre problème de quantité avec le matériel de la classe. Il peut être aussi intéressant d’utiliser ces albums à différents moments de l’année et de revenir sur les procédures proposées. Entre-temps, l’élève a grandi. Il évolue et peut mieux appréhender des notions qu’il ne comprenait pas avant. Laisser le temps à l’élève de se les approprier en prenant plaisir à la lecture de l’album jeunesse.
Vous commencez une nouvelle collection avec une fille comme personnage principal, pourquoi ?
Jusqu’à présent, mes albums étaient organisés par domaine mathématique. J’ai voulu organiser les nouveaux par tranche d’âge. Le premier s’adresse aux deux-trois ans. Le personnage principal, auquel peuvent s'identifier les enfants, va grandir au fur et à mesure des albums. Il m’a semblé important que ce soit une petite fille. J’ai choisi une héroïne qui aime les mathématiques et les rencontre tous les jours pour contrer le discours récurrent sur les résultats des filles plus faibles que ceux des garçons, s’appuyant sur de vieilles croyances ou sur les résultats aux évaluations nationales. En faisant cela, on alimente la menace des stéréotypes : alors qu’elles réussissent aussi bien que les garçons dans les situations de classe ordinaires, elles se retrouvent en difficulté dans le cadre des évaluations standardisées. La lutte contre les stéréotypes et la promotion de l’égalité filles - garçons en mathématiques ont toute leur place dès le plus jeune âge.