Le travail en groupe dès le plus jeune âge
Mis à jour le 28.12.23
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Travailler en groupe dans une classe de maternelle, c'est s'appuyer sur la curiosité des enfants avides de découvrir ce que font leurs camarades.
Sylvain Connac est enseignant chercheur en sciences de l’éducation à l’université Paul Valéry de Montpellier. En tant que professeur des écoles, il a fait partie de l’équipe pédagogique de l’école coopérative Antoine Balard à Montpellier. Il a publié notamment le livre “Apprendre avec les pédagogies coopératives”, ESF Editions, février 2010.
“Les enfants déclenchent les situations de coopération”
Quelle est la pertinence du travail coopératif des élèves dès la maternelle ?
Tomasello, chercheur américain, montre grâce à des expérimentations que la coopération chez les jeunes enfants est spontanée. Pour la susciter en maternelle, il suffit de laisser les enfants agir, tout en veillant aux dérives possibles comme les disputes. Apprendre à vivre ensemble fait partie d’apprentissages transversaux inhérents à l’école et à la maternelle en particulier. Mais coopérer facilite aussi l’apprentissage et permet à l’enseignant de gérer l’hétérogénéité. Cette modalité aide à lever certains blocages. S’entraider permet aux élèves de trouver des compléments à leurs avis grâce aux autres. Ils accèdent à des idées qu’ils n’auraient pas eues seuls. Les confronter interroge la solidité de leurs certitudes. Soit les enfants ancrent leurs convictions davantage en trouvant de nouveaux arguments, soit ils les reconfigurent. Cette fonction de la coopération basée sur les conflits socio-cognitifs est à la base du désir d’apprendre. Et c’est en développant ce désir que les enfants prendront par la suite plaisir à apprendre.
Comment se met en place la coopération ?
La mise en place d’un travail coopératif passe d’abord par une remise en question des représentations professionnelles des enseignants. Paradoxalement, coopérer est une démarche individuelle, à l’initiative de celui qui coopère. On ne peut pas obliger un élève à coopérer qui ne ferait alors que répondre à une consigne et s’éloignerait de l’objectif initial. L'enseignant introduit les modalités d’un travail coopératif. Mais ce sont les enfants qui déclenchent les situations de coopération. Ainsi, un élève qui s’ennuie, bloque, se questionne, s’il en ressent le besoin, coopèrera spontanément avec d’autres, d’autant plus s’il sait qu’il est autorisé à le faire. En maternelle, l'organisation et l’aménagement de la classe permettent plus facilement aux enfants de coopérer. On observe, dès les premières heures, que les élèves se tournent vers les autres pour faire une construction, résoudre un problème, inventer des histoires... Rares sont ceux qui resteront seuls.
“Ce sont les élèves qui apprennent et l’enseignant est un facilitateur d’apprentissage”
A quelles conditions un travail en groupe est-il coopératif ?
Pour comprendre, il faut faire la différence entre le travail de groupe et le travail en groupe. Le travail de groupe mène à une production commune. Cette collaboration est problématique parce qu’elle accentue souvent les inégalités déjà existantes entre élèves, surtout s’ils se répartissent les tâches inéquitablement. Dans cette configuration, seule une pédagogie de projet pourrait profiter à tous les élèves. Le travail en groupe, à l’inverse, est une situation permettant aux élèves de bénéficier d’avis différents, tout en laissant chacun exprimer ses pensées. Par exemple, en étudiant des albums de jeunesse, les élèves peuvent confronter leurs interprétations sur les comportements ou les pensées des personnages. Même si on coopère avec les autres, on coopère avant tout pour soi. En l’absence de but commun, chacun en retire un bénéfice basé sur l’altérité des idées apportées par les autres.
Quelles postures doit adopter l'enseignant ?
L’enseignant guide pour sécuriser et faire de la classe un espace « hors menace ». Les élèves savent qu’ils ont le droit de demander de l’aide et d’aider mais qu’ils ne peuvent pas se moquer ni dévaloriser. Par ailleurs, nos recherches ont montré que l’enseignant ne peut interrompre une activité coopérative sans perturber le travail des élèves. Quand les élèves coopèrent, ils n’ont presque plus besoin de l'enseignant. Ce dernier doit prendre conscience des multiples façons d’agir autrement sur ce temps libéré sans culpabiliser. Il peut observer un élève, un groupe ou toute la classe. Il peut aussi travailler avec un petit groupe de besoin… Dans une classe, ce n’est pas l’enseignant qui apprend aux enfants. Ce sont les élèves qui apprennent et l’enseignant est un facilitateur d'apprentissage.