Le RN entre à l'école

Mis à jour le 27.11.24

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Chez les enseignant·es, le RN a vu son score augmenter fortement aux dernières élections. Safia Dahani rapporte la vision du RN pour l’école, faite d’autorités, d’exclusions et de programmes patriotiques.

Sofia Dahani est docteure en science politique du LaSSP, science Po Toulouse

Safia Dahani

“Autorités, sanctions, exclusions et vision patriotique”

QUEL RAPPORT LE RN ENTRETIENT-IL AVEC L’ÉCOLE ?

Il faut d’abord rappeler que les dirigeants, contrairement à une partie de leur électorat, ont des parcours scolaires très « sereins ». Ils détiennent des baccalauréats avec mention, des master II, voire des doctorats. Un certain nombre d'entre eux est aussi passé par les « écoles du pouvoir » , de science politique ou de commerce. Certains, issus de milieux plus modestes, parfois boursiers, ont bénéficié d’un ascenseur social grâce aux études. Ils ont donc un rapport plutôt « positif » avec le système scolaire. L’importance accordée à l’école dans les programmes du parti doit se lire dans une forme de continuité : le milieu scolaire représente un bon cas d’étude des propositions différentialistes et sécuritaires du RN.

QUELLES EST LA VISION DU RN POUR L’ÉCOLE ?

D’abord, l’école n’est pas là pour contrevenir aux destins liés aux origines sociales. Le RN met en avant le mérite individuel mais aussi l'importance, pour ceux qui ne seraient pas adaptés au système scolaire général, de basculer de manière précoce en apprentissage dans l’enseignement professionnel. Cela permettrait d’amener des jeunes très tôt sur le marché du travail et de fournir une main d’œuvre bon marché pour répondre aux besoins supposés du patronat. L’école est aussi un espace où transmettre une vision patriotique de la France autour d’un roman national. Selon lui, il y a aujourd'hui un « déficit patriotique » et un certain nombre de groupes sociaux n’aiment pas leur pays comme ils le devraient. Il faut donc amener la jeunesse à avoir une vision positive de l’histoire de France, à la « respecter » et à comprendre ses droits mais surtout ses devoirs envers la patrie. Enfin, il accorde une grande place à la laïcité qu’il considère menacée. Il revendique que certains établissements sont « soumis à des menées islamistes* » et demande un « signalement systématique au procureur de la République et une répression automatique » de ces dernières sans définir réellement ce que sont ces « menées ». Pour lui, l’école est ainsi un lieu de sauvegarde de la « civilisation française » car la France se trouve « à la croisée des chemins » entre « déclin » ou « redressement ».

“Pour le RN, l’école n’est pas là pour contrevenir aux destins liés aux origines sociales”

QUELLE CONCEPTION DE L’AUTORITÉ A-T-IL ?

Il veut restaurer l’autorité des enseignants qui seraient dépassés par leurs élèves. S’appuyant sur une sorte de menace qu’il ne nomme jamais précisément, il prône une forme de redressement en remettant de l’ordre dans différents segments de la société dont l’école. Cela passe par le port de l’uniforme obligatoire à l’école et au collège ou la suppression des allocations familiales ou des bourses pour sanctionner « l’absence d’assiduité et des comportements antiscolaires ». Il souhaite aussi mettre en place des sanctions plancher dans les conseils de discipline pour « mettre un terme au laxisme scolaire et à la culture de la dissimulation des difficultés disciplinaires ». Autorités, sanctions, exclusions et vision patriotique sont les grandes lignes de leur programme.

A-T-IL D’AUTRES MESURES CONCRÈTES DANS SON PROGRAMME ?

Il propose, par exemple, que le brevet devienne un examen d’orientation post-3e car « le collège unique est une machine à échec ». Il pointe certains secteurs géographiques précis, notamment les réseaux d’éducation prioritaires dans lesquels il faudrait renforcer l’enseignement en français et en histoire et prône la généralisation de la vidéosurveillance à proximité des établissements. L’école est aussi le lieu du recyclage de ses préoccupations autour de sa vision de la laïcité : il souhaite interdire le voile islamique pour les accompagnantes. De la même manière, cette focalisation sur certaines populations lui permet de proposer une suppression des enseignements de langue et de culture d’origine car ils nuiraient aux capacités des élèves de s’intégrer en France, « notamment parce qu’ils sont assurés par des enseignants étrangers. »

*Les propos en italiques sont des extraits du « projet pour la France de Marine Le Pen », livret « M L’école », élection présidentielle, 2022.