L'autorité en toute sécurité
Mis à jour le 27.11.24
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À contre-pied des discours dominants, l’autorité se construit dans la classe à travers l’instauration et l’entretien d’un lien de confiance réciproque entre les PE et leurs élèves. Des choix pédagogiques à visée coopérative aident à concilier exigence et bienveillance pour exercer une autorité éducative propice aux apprentissages.
Bruno Robbes est professeur en sciences de l’éducation et de la formation à Cergy Paris université, laboratoire EMA. Ses recherches portent sur l’autorité en éducation et les pédagogies différentes.
“Maintenir le lien à l’élève”
QUELLE EST LA FINALITÉ DE L’AUTORITÉ ?
Étymologiquement, la finalité de l’autorité est de permettre à l’élève d’être auteur de soi-même. Il s’agit de l’aider à s’autoriser à exister comme sujet de sa vie, dans le monde et dans ses relations avec les autres. Dans la relation maître/élève, l’enjeu est, quoi qu’il arrive et même si c’est parfois difficile, de maintenir le lien à l’élève, sans quoi il n’y a pas d’action éducative, pédagogique, didactique permettant de former un citoyen éclairé. Dans la classe, la première fonction de l’autorité est d’assurer la sécurité des personnes. Aucun élève n’apprend sans sécurité psychique. Cette sécurité permet à l’école de remplir sa fonction sociale : la transmission des savoirs et de la culture.
QUELLES FORMES PEUT-ELLE PRENDRE ?
Je distingue trois conceptions de l’autorité. L’autorité autoritariste se caractérise par l’exercice d’un rapport systématique de domination où l'obéissance est exigée et prend la forme d’une soumission. Ce modèle invoqué dans les discours dominants entretient une grande confusion avec le pouvoir, qui suppose l’usage possible de la force. Mais ce recours à la force est, en fait, un abus de pouvoir qui tourne le dos aux droits de l’enfant et au final, sape l’autorité. Car la force peut faire peur mais ne permet pas d’apprendre. D’autant que les élèves acceptent de moins en moins de se soumettre à une discipline sans la comprendre. L’autorité évacuée ou transférée est le revers de la médaille de la force. Souvent par peur du conflit, elle consiste à s’interdire d’exercer une influence, en laissant l’enfant livré à lui-même et en demandant à d’autres -parents, directeur d’école… - de faire autorité à sa place. La relation d’autorité éducative est la seule forme qui vise à rendre l’autre auteur de soi-même. Elle consiste en l’exercice d’une influence, en cherchant à obtenir d’autrui la reconnaissance que cette influence lui est bénéfique, que l’autorité s’exerce pour le faire grandir et non pour l’asservir. L’exigence y est une façon de prendre soin de l’autre.
“Dans la classe, la première fonction de l’autorité est d’assurer la sécurité des personnes. Aucun élève n’apprend sans sécurité psychique”
QUELLES CONSÉQUENCES POUR LES ÉLÈVES ?
Dans un rapport de domination, l’élève fait du mieux qu’il peut dans la crainte de se tromper. Mais la soumission à la volonté du maître ne lui permet pas d’entrer dans une logique d'apprentissage, car la réalisation de la tâche n’assure pas en soi l’acquisition des savoirs. Des pratiques traditionnelles risquent de faire perdre aux élèves le sens de ce qu’il y a à apprendre et d’exclure ceux qui ne sont pas en réussite, avec des conséquences sur leur estime de soi. Quand l’élève est livré à lui-même, le risque est qu’il aille chercher des formes d’autorité ailleurs, jusqu’à se faire justice lui-même. La relation d’autorité éducative crée un espace « sécure », hors menace, dans lequel l’élève peut apprendre seul et avec les autres. L’élève y comprend pourquoi on lui demande ce qu’on lui demande. Les pédagogies coopératives sont un appui car elles modifient le rapport au savoir par la possibilité donnée à l’élève de le questionner et, pour une part, de choisir son travail, et le rapport au pouvoir par la responsabilisation. Elles évitent à l’enseignant d’être en position centrale, en permanence dans le contrôle.
COMMENT EXERCER UNE AUTORITÉ ÉDUCATIVE ?
Il n’y a pas de recettes, mais plutôt des principes d’action. D’abord éviter de se retrouver dans des impasses en exigeant une obéissance inconditionnelle, la soumission de l’enfant. Ensuite, être capable de différer. Même en cas de brutalité, signifier à l’élève que son action mérite sanction mais traiter le problème plus tard lors du conseil de coopérative. En proposant cette médiation complétée par les responsabilités et les techniques Freinet d'apprentissage, la pédagogie institutionnelle permet d’éviter la relation « duelle » avec un élève. Comprendre les intentions des élèves permet également de dénouer des situations tendues, quand l’élève se sent écouté, reconnu. Essayer de comprendre sans renoncer à l’exigence crée une relation de confiance où l’élève s’engage davantage dans les apprentis-sages. Permettre aux élèves d’exprimer leurs intérêts participe aussi d’une autorité de compétence d’un enseignant pédagogue.