“Je suis un voyageur de papier”
Mis à jour le 26.11.25
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Édité pour la première fois en 2002, La littérature dès l’alphabet affirmait le principe selon lequel apprendre à lire à l’école c’est bien plus que savoir coder et décoder, que dès les premiers apprentissages il est possible et même nécessaire de contribuer au développement de l'imaginaire, de la sensibilité, de l'intelligence, et des facultés d'expression des enfants devenant élèves. Cet ouvrage de référence sans lequel la littérature de jeunesse s'occuperait peut-être pas de la place qui est la sienne aujourd’hui à l’école vient d’être réédité pour redire, dans un rapport à l’écrit qui a considérablement évolué depuis plus de vingt ans, que lire c’est grandir en liberté.
François Place est auteur-illustrateur pour la jeunesse. Ses albums, souvent traduits, évoquent les lointains, la diversité des communautés humaines et la transmission. Citons Les derniers géants (Casterman 1992), Le vieux fou de dessin (Gallimard 1997), Rois et reines de Babel (Gallimard Jeunesse 2020). Certains ont reçu des prix prestigieux, notamment au salon du livre de Montreuil et à la foire internationale de Bologne.
©Hidalgo/naja
POURQUOI ÉCRIRE POUR LES ENFANTS ?
J’écris des livres que j’aurais aimé lire quand j’étais enfant. C’est un difficile procédé d’écriture qui demande de partir de soi pour retrouver ceux à qui l’on s’adresse. J’ai commencé par être illustrateur parce que la littérature jeunesse offrait un grand champ d’exploration des images et le plaisir de s’exprimer à travers elles. Ce sont les images qui m’ont progressivement conduit au texte, bizarrement. J’ai commencé par illustrer des documentaires avant d’en venir à la fiction.
QUELLES SONT VOS SOURCES D’INSPIRATION ?
Je suis fan de l’Histoire en général, j’aime me promener dans les époques anciennes, et dans les ailleurs géographiques. Je m’inspire donc beaucoup de récits de voyages et de toute la littérature d’aventure qui l’accompagne, domaine riche en iconographies exotiques, merveilleuses, étonnantes, inquiétantes. Je suis un voyageur de papier. Je lis beaucoup de récits de voyages, anciens comme contemporains. L’histoire de la colonisation et de la décolonisation m’intéresse particulièrement, avec toutes les questions que cela soulève. J’interroge constamment les livres écrits autrefois avec des questions qui se posent aujourd’hui.
QUEL RÔLE A L’ILLUSTRATION DANS UN RÉCIT ?
Dans les romans, l’illustration apporte des précisions, des contextes absents du texte. Elle l’accompagne mais ne doit pas le court-circuiter. C’est un équilibre délicat entre l’envie d'apporter beaucoup d’informations et la place primordiale que doit garder le texte dans le livre. Pour l’album, c’est l’inverse. L’image très souvent emporte le récit, la lecture, surtout dans les albums pour les tout-petits. C’est un jeu intéressant de savoir, entre le texte et l’image, ce qui va réellement guider l’histoire.
QUELLE A ÉTÉ VOTRE CONTRIBUTION À L’OUVRAGE COLLECTIF “ LA LITTÉRATURE DÈS L'ALPHABET ” ?
J’ai évoqué Apoustiak, le petit flocon de neige, un album que j’adorais quand j’ai commencé à savoir à peu près lire. Je l’ai lu, relu et relu et j’ai aussi sans cesse regardé les illustrations qui ont laissé des empreintes très fortes dans ma mémoire. C’est l’histoire de la vie d’un Inuit, de sa naissance à sa mort. Cela se passe au Groenland. Je pense que cet album m’a marqué parce qu’il était à cheval entre le documentaire et la fiction. Il expliquait le mode de vie des Inuits, telle une petite anthropologie de cette population, et à la fois il racontait une belle histoire. J’enviais aussi ces grands espaces blancs, la neige à perte de vue et la liberté que cela me procurait en comparaison avec ma vie, enfermé entre les quatre murs de l’école ou de l’appartement. Un voyage exotique qui me faisait rêver.