Géographie à la carte

Mis à jour le 27.11.24

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Désormais structuré autour du concept "habiter", l'enseignement de la géographie se détache des cartes murales pour investir l'espace proche et explorer les pratiques de celles et ceux qui y vivent. Une (r)évolution exigeante sur le plan pédagogique mais passionnante pour les élèves qui mènent l'enquête.

Elsa Filâtre est chercheuse en didactique de la géographie au sein du laboratoire Géographie de l’environnement et formatrice à l’Inspe de Toulouse

Elsa Filâtre

“Se saisir du vécu des élèves”

QUEL EST LE SENS DU CONCEPT “HABITER” EN GÉOGRAPHIE ?

« Habiter » est une notion très récente en géographie universitaire, passée dans le programme du premier degré sous l’influence du géographe Michel Lussault. Les programmes s’appuient sur des verbes d’action et non plus des espaces, car « habiter » se réalise à travers des pratiques sociales qui sont spatialisées. Ainsi, « se loger » ou « consommer » réfèrent à des pratiques sociales dont les élèves découvrent qu’elles sont spatialisées. Les usages de l’espace sont socialement différenciés car toute pratique de consommation, de logement, de mobilité, de loisirs a forcément un lien avec l’espace, dans des formes variables selon les groupes sociaux. Plutôt qu’observer sur une carte les concentrations de grands ensembles ou de zones pavillonnaires sans s'intéresser aux modes de vie, il s’agit d'étudier les stratégies d’appropriation des espaces par les acteurs et leurs conséquences.

“« Habiter » se réalise à travers des pratiques sociales qui sont spatialisées”

COMMENT FAIRE APPROPRIER CE CONCEPT PAR LES ÉLÈVES ?

E. F. : Ce renversement épistémologique - partir des pratiques spatiales - est une difficulté à transformer en opportunité, celle de se saisir du vécu des élèves dans l’espace proche. Et ainsi renoncer à une géographie hors sol au profit d’une géographie de terrain, à partir du recueil des représentations des élèves sur l’espace commun autour de l’école. Engager les élèves dans une enquête géographique les aide à se constituer en tant qu’habitants. Celle-ci articule dessins du quartier, questionnements et sorties pour observer le réel. En complément, cartes IGN et données extraites de Géoportail, recherches documentaires ou interrogation des décideurs locaux permettent de mieux comprendre les caractéristiques du quartier, son bâti, sa population, son évolution, l’aménagement global du territoire, etc.

QUELS APPRENTISSAGES SONT RÉALISÉS ?

Les apprentissages construits sont de deux types. D’abord cartographiques : construire des représentations de l’espace et pouvoir en rendre compte en partie dans un dessin. Grâce à des allers-retours entre lec-ture du plan de l’itinéraire et découverte de l’espace réel, les élèves apprennent à reconnaître les lieux, les siverte de l’espace réel, les élèves apprennent à reconnaître les lieux, les situer les uns par rapport aux autres, effectuer un itinéraire, lire et s'approprier un plan. Ensuite, des apprentissages géographiques visent « l'habiter ». En effet, l’enquête leur permet de prendre conscience qu’ils sont acteurs d’un espace et qu’ils co-habitent avec d’autres acteurs aux pratiques différentes. En observant des cartes anciennes, ils accèdent à la dimension temporelle du rapport à l’espace, et comprennent ainsi que leur espace est inscrit dans un processus dynamique. Ce qui est essentiel pour se projeter en tant qu’acteur-citoyen de cet espace.

QUEL RAPPORT À LA CITOYENNETÉ ?

La géographie prend en charge les apprentissages dans une perspective de développement durable. Aider les élèves à se projeter dans le futur est un vecteur très important d’une citoyenneté classique mais aussi à dimension écologique en rapport avec les enjeux climatiques. Travailler sur la place de la nature et de la biodiversité dans le quartier peut provoquer la déception des élèves face au constat que l’espace vécu ne fait pas assez de place aux mobilités douces, à la nature, à la place de l’enfant par rapport à la voiture… Se projeter dans le futur en dessinant son quartier permet de lutter contre l’éco-anxiété à travers l’expression de ses envies et désirs. C’est alors un support de discussion partagée, puisqu’il n’y a pas d’apprentis-sages normés à construire. Le thème « mieux habiter » du programme offre l’opportunité de cette formation à l’éco-citoyenneté dont le préalable est la conscience d’être habitant-acteur de son espace.