Ecrire, verbaliser, expliciter

Mis à jour le 25.11.22

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"Clarifier les difficultés pour pouvoir les dépasser" : Jacques David parle des essais d'écriture, de la construction des savoirs orthographiques et des impacts qu'ils ont sur l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

Jacques David est maître de conférences en sciences du langage et en didactique du français à CY  Cergy-Paris Université et à l'INSPE de Versailles. Il a conduit plusieurs recherches en linguistique de l'écrit et étudie l'acquisition de l'écriture chez les élèves et chez les étudiants.

UDA 2022 Jacques David ©DR

Que révèlent les essais d'écriture des jeunes élèves en classe ?

Les écritures essayées ou approchées révèlent deux grandes composantes importantes : le rapport du mot à l’oral, tel qu’il doit s’écrire et la maîtrise de la syntaxe et du sémantisme des textes. Elle rend compte des procédures cognitives des élèves, que ce soit en perception, pour l’identification, la configuration de lettres, la longueur des mots ou encore dans l’organisation interne de ces mots. Mais dans une classe, il existe une extrême hétérogénéité. Durant le cursus scolaire primaire, voire jusqu’au collège, certains élèves n’arrivent pas à mettre en œuvre ces procédures liées au principe alphabétique, aux lettres muettes, aux différentes graphies d’un son, aux mots comportant des consonnes doubles, et plus encore aux multiples formes écrites des verbes. Ils peuvent réussir à mettre en place ces procédures lors d’exercices ponctuels comme la dictée, mais n’arrivent pas toujours à les mobiliser ou les transférer lorsqu’ils sont en situation de production écrite autonome.

Quels sont les savoirs orthographiques construits ? 

Quand les élèves ont affaire à une orthographe transparente où les relations entre les sons et les lettres sont régulières, par exemple en espagnol, ils éprouvent moins de difficultés pour comprendre le principe alphabétique et pour apprendre à lire et écrire. L’orthographe grammaticale française pèse, en revanche, beaucoup sur les apprentissages. Elle nécessite de marquer le genre, le nombre, d’accorder les verbes avec les personnes. Toutes ces règles obligent l’ajout de marques majoritairement sans correspondance à l’oral, et sont de surcroît redondantes et hétérogènes. En lecture, les problèmes sont moins prégnants. Il faut neuf mois en moyenne, pour que les problèmes orthographiques soient réglés, mais il faut souvent dix fois plus de temps pour parvenir à les résoudre en situation d’écriture. Les ateliers d’écriture « approchée » permettent de résoudre très tôt les problèmes fondamentaux et de résoudre ces problèmes aussi complexes qu’abstraits.

Quel impact sur l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ? 

Pour beaucoup d’élèves, la production écrite permet de mieux saisir et analyser les problèmes d’orthographe, avec un effet en retour sur la lecture et la compréhension des textes. L’orthographe ainsi approchée permet d’affiner le travail de mémorisation, d’accroître le lexique écrit qui sera ensuite mobilisé dans la production écrite. Les élèves parviennent à découvrir, construire et mettre en œuvre des procédures qui sont longues à bâtir. L’écriture permet pourtant de clarifier les difficultés afin de les dépasser, elle apparaît plus concrète. Les élèves peuvent y revenir, échanger, justifier leurs choix. Contrairement aux idées reçues, lire beaucoup a peu d’effet sur l’orthographe. La lecture agit à d’autres niveaux : la compréhension, les relations sémantiques, la maîtrise de structures syntaxiques complexes, l’augmentation des vocabulaires. Mémoriser des listes de mots ne sert donc pas à grand-chose. Seuls les bons élèves en tirent profit, les élèves en difficulté peu ou pas. Mieux vaut donc utiliser les mots en situation d’écriture pour rendre explicite le travail.

Quels dispositifs mettre en œuvre en classe ? 

Des ateliers d’écriture où les élèves écrivent à partir de consignes, de supports différents : journaux scolaires, correspondance, blogs, suite de textes... Les élèves acquièrent des compétences orthographiques surtout lors de la réécriture et améliorent alors sensiblement leurs textes : contenu sémantique, choix du vocabulaire, syntaxe et orthographe. Le travail de retour sur le texte – ou brouillon – peut se faire individuellement, en petit groupe ou en groupe classe. Il permet de réajuster, de comprendre les essais, bien évidemment avec le guidage et l’étayage de l’enseignant. Ces temps de réécriture mobilisent les élèves dans des activités métalinguistiques et leur intérêt est accru si les textes sont lus par d’autres, afin d’être compris par tous. De nombreux travaux de recherche montrent aujourd’hui la nécessité de réaliser ce travail de réécriture en classe. Écrire et réécrire très tôt, souvent dès la grande section, et tout au long de la scolarité, permet de résoudre les difficultés et de mieux maîtriser tous les apprentissages langagiers liés à l’écrit.