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Mis à jour le 27.11.22

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"Sortir de sa classe prolonge ce qu'on apprend" : Ana Dias-Chiaruttini explique que le langage permet de s'approprier la culture, l'enjeu de la culture scolaire et le lien entre culture et savoirs scolaires.

Ana Dias-Chiaruttini est professeure des universités en sciences de l'éducation à l'Université Côte d'Azur. Elle est directrice de l'unité de recherches LINE - laboratoire d'innovation et numérique pour l'éducation.

UDA 2022 Ana Dias-Chiaruttini©Millerand-Les grenades-Naja

En quoi le langage permet-il de s'approprier la culture ?  

On peut prendre la question dans les deux sens. La culture permet aussi de s’approprier le langage, le langage est un acte culturel. Il permet de nommer les objets, de mettre des mots sur des expériences culturelles, d’exprimer les émotions. Les élèves en allant au musée découvrent des œuvres qui les font rire ou qui les rendent tristes. En développant le langage sur ces émotions, on développe sa propre culture. En maternelle, donner les mots pour dire cette expérience et les faire manipuler par les enfants est nécessaire. Revenir sur ce qui a été ressenti, vécu, permet que les mots ne soient pas oubliés. L’enfant découvre que les mots appris lors d’une visite dans un musée servent aussi dans le quotidien d’une autre manière. Le terme « ovale » utilisé pour décrire un visage dans un portrait de Modigliani s’utilise à d’autres moments mais de manière différente. L’ovale de Modigliani, ce n’est pas l’ovale de l’horloge de la classe.

Quel est l'enjeu pour les enfants éloignés de la culture scolaire ? 

Le musée peut être éloigné de certaines familles géographiquement ou culturellement. L’un des leviers possibles consiste à associer les parents aux visites. Ils peuvent aller au musée avant la visite de classe ou y retourner ensuite avec leurs enfants. Quand ceux-ci ont déjà fait la visite avec l’école, ils peuvent devenir des médiateurs en mettant des mots sur ce qu’ils vont voir. C’est bénéfique pour eux car cela leur permet d’intégrer ces mots dans leur « encyclopédie », dans leur bagage. L’enjeu consiste à ce que les familles s’autorisent à y retourner plus tard, à se sen tir légitimes pour y aller. Pour cela, une seule visite ne sert pas à grand-chose. Il en faut plusieurs en pensant le lien avec l’environnement de l’enfant, sa famille. Cette démarche permet alors que le musée qui fait parfois un peu peur, devienne un lieu accessible à tous. 

Quel lien entre la culture et les savoirs scolaires ? 

Cette séparation entre savoirs scolaires et savoirs culturels interroge. Mettre une étiquette sur des savoirs qui seraient fondamentaux induit que d’autres ne le seraient pas. L’école n’est pas là pour les cloisonner. Il y a des programmes nationaux et c’est important car ils donnent une sorte de culture commune à partager. Mais, il faut interroger le contenu de cette culture, bien la redéfinir. Aller au musée, accéder à la culture, c’est aussi fondamental. Cela permet de donner sens aux apprentissages scolaires mobilisés dans ce nouveau cadre culturel. Sortir de sa classe prolonge ce qu’on y apprend. Les expositions peuvent aussi se faire dans l’école en travaillant les codes spécifiques : quoi afficher, comment ? Des musées éphémères peuvent être créés avec les travaux réalisés en classe et en invitant les parents à venir les découvrir.

Comment préparer les visites au musée ? 

Les PE déclarent souvent ne pas vouloir préparer la visite. S’ils vont avant dans le musée, c’est plutôt une visite « technique » pour s’approprier les lieux, repérer les toilettes, les jardins où aller goûter ensuite. Mais ils préfèrent découvrir les œuvres avec les élèves et laisser la surprise aux enfants. Pourtant, quand on les interroge, les enfants souhaitent en parler avant la visite et savoir ce qu’ils vont voir. Les PE imaginent que l’œuvre va se révéler par elle-même quand l’enfant sera devant alors que souvent, intimidé par le lieu, il ne sait où regarder et peut passer à côté des œuvres. Une visite se prépare. C’est nécessaire pour que les élèves puissent comprendre les règles spécifiques des lieux, mais aussi pour leur permettre de devenir spectateurs de ce qui s’y joue et avoir un regard aguerri. Pour cela, le PE peut donner des indices, montrer certaines des œuvres avant. Cela rend la sortie attractive. De même, les enseignants ne se sentent souvent pas légitimes pour intervenir pendant la visite. Pourtant, ils font un travail remarquable de lien avec les travaux déjà menés en classe. Ils relèvent souvent les œuvres qui captivent les enfants pendant la visite pour mieux les reprendre ensuite en classe. Il faut qu’ils se fassent confiance.