Les AESH en quête de reconnaissance

Mis à jour le 27.11.22

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"On est encore loin du compte" : Grégoire Cochetel explique l'évolution du métier d'AESH et comment le valoriser, leur place dans l'équipe enseignante en vue de la réussite des élèves.

Grégoire Cochetel a été formateur à l'INSPE de Clermont Auvergne. Il est expert sur le "métier" d'EASH et auteur d'articles et d'ouvrages sur le sujet.

UDA 2022 Grégoire Cochetel©Millerand-Les grenades-Naja

Comment le métier d'AESH a-t-il évolué depuis sa création ? 

Il s’agit plutôt de l’évolution de la fonction d’AESH car les conditions ne sont pas réunies pour que cela soit un véritable métier. Certes, les conditions de travail ont évolué, il y a plus de considération pour ces personnels mais on est encore loin du compte. Extrêmement nombreuses, plus de 130 000 - 25% en plus en cinq ans - les AESH sont devenues incontournables. Face aux demandes de plus en plus importantes d’accompagnement se créent en urgence des postes sans se demander si c’est bien la réponse adaptée. De plus en plus d’enfants, qualifiés de dérangeants, avec un comportement inadapté à l’école d’aujourd’hui, se voient assignés une AESH pour obtenir le calme dans la classe. Ce n’est pas le but du métier d’AESH et trop souvent des élèves en difficulté scolaire ou éducative se retrouvent avec l’étiquette « en situation de handicap ». Les AESH viennent davantage répondre à des besoins des enseignants et des familles qu’aux besoins des élèves. Ce ne sont ni des infirmières, ni des personnels spécialisés ou de Sessad(1) mais elles occupent par défaut ces métiers et pallient les carences de moyens, de personnels de l’Education nationale et de santé. Or, si l’on se contente d’augmenter le nombre d’AESH, l’inclusion va droit dans le mur. Le rapport de la Défenseure des droits alerte en ce sens.

Quelle place ont les AESH dans les équipes enseignantes ?

Elle est plus importante qu’elle ne l’a été, les AESH sont davantage reconnues. Localement, elles sont de plus en plus associées à des temps de travail - conseils des maîtres, équipes de suivi de scolarisation - où elles prennent la parole. Il y a de moins en moins besoin d’expliquer leur rôle. Les enseignants apprécient la présence d’AESH à leurs côtés mais ne sont pas formés au travail collaboratif. Cela reste compliqué pour les enseignants de qualifier ou reconnaître les AESH comme collègue, collaboratrice ou experte. Parfois, des dérives s’observent comme la prise en charge par les AESH d’autres élèves que les élèves bénéficiant d’une notification d’accompagnement de la MDPH(2) ou encore des PE qui ne se préoccupent pas de l’aspect comportemental de l’élève et laissent seule l’AESH face aux difficultés. Il y a aussi une méconnaissance du statut des AESH, de leur situation de travailleuses pauvres. On observe que la relation PE/AESH reste plus facile en maternelle où les enseignants ont l’expérience du travail en commun avec les Atsem(3).

En quoi le travail collaboratif entre PE/AESH œuvre-t-il à la réussite des élèves ? 

Le travail collaboratif est une condition de réussite du parcours scolaire d’un élève car l’enseignant et l’AESH ont un rôle complémentaire comme dans le passage de consignes où l’enseignant réfléchit à une consigne adaptée tandis que l’AESH aide l’élève à entrer dans la tâche pour qu’il puisse réussir. Quand les AESH passent trois ou quatre heures par semaine dans une classe, sur différents sites, il est difficile de construire cette collaboration. Il faudrait au moins entre huit et douze heures de travail hebdomadaire pour réaliser un véritable travail en commun. Les personnels manquent aussi de temps formel pour construire et entretenir ce travail collaboratif. Un peu de temps est consacré au travail de concertation dans le temps de travail des AESH mais c’est insuffisant et il est compliqué de leur demander de rester plus longtemps au vu de leur rémunération. La plupart des temps d’échanges se font donc lors de moments informels - pause méridienne, cour de récréation ou dans les couloirs - et sur des temps personnels après la classe.

Comment mieux valoriser ce métier indispensable ? 

Il est nécessaire de finaliser le métier d’AESH, de s’appuyer sur un référentiel métier pour le rendre accessible par une validation des acquis de l’expérience. Il faudrait aller plus loin sur le statut de ces personnels en constituant un corps spécifique de fonctionnaires, en revalorisant les salaires, en considérant que 27 heures représentent un temps plein et en mettant en place une formation initiale et continue digne de ce nom. A l’heure actuelle, le diplôme d’état d’accompagnement éducatif et social est une coquille vide, il ne répond pas aux besoins et la formation théorique reste déconnectée du terrain. C’est un grand gâchis. Dans le même temps, il faudrait former les enseignants, avoir davantage de professeurs spécialisés et revoir les effectifs à la baisse car ils sont probablement trop importants. Des temps de concertation et de formation commune PE/AESH doivent être aussi reconnus et institutionnalisés.

(1) Service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (2) Maison départementale pour les personnes handicapées (3) Agent territorial spécialisé des écoles maternelles