“Enseigner à hauteur des programmes : du militantisme”

Mis à jour le 18.12.21

min de lecture

Quelles activités pour répondre aux enjeux de l'EPS ? Difficultés et leviers pour cet enseignement. L'EPS doit permettre à l'élève d'apprendre à connaître son corps tout en construisant des pouvoirs d'agir.

Claire Pontais est agrégée d’EPS et ancienne formatrice à l’INSPE de Caen. Elle est également responsable de la formation au Snep-FSU et au centre « EPS et société ».

Claire Pontais UDA 2021 ©Millerand-Naja

Quelles activités permettent de répondre aux enjeux de l'EPS ? 

La crise sanitaire a remis en avant les enjeux de santé. Un quart des enfants n’ont aucune activité sportive en dehors de l’école et seulement 10% des parents ont une activité physique avec leur enfant tous les week-ends. L’école a donc un rôle primordial à jouer pour permettre en même temps le développement physique de tous les élèves, l’accès à la culture sportive ou artistique et la réduction des inégalités sociales, genrées ou territoriales. L’EPS doit permettre à l’élève d’apprendre à connaître son corps tout en construisant des pouvoir d’agir tels que les savoir nager, danser, se déplacer, jouer collectif… Bien sûr, on fait référence aux pratiques sociales, sports et danses mais cela suppose de les adapter aux enfants et de les traiter pour l’école. Il y a une grande diversité d’activités possibles, le plus important est qu’elles soient adaptées aux conditions d’enseignement de l’école primaire, pensées pour de jeunes enfants, avec des profs polyvalents, en intégrant les finalités de l’école. Compte tenu des contraintes qui pèsent sur les PE, je plaide pour une EPS « faisable ». Par exemple, la jonglerie est très peu enseignée, quasiment absente des programmes. Or, faire des exploits avec un ballon – le faire rebondir longtemps, le lancer et le rattraper – est un défi qui a du sens pour les élèves, et qui peut se faire dans quasiment toutes les écoles.

La série de dispositifs institutionnels ne valorisent-ils pas l'EPS ? 

Le ministre veut faire croire qu’il s’y intéresse, mais il entretient la confusion sur les finalités de l’EPS à l’école, dans le but de faire entrer un grand nombre d’intervenants dans l’école. L’EPS n’est ni du sport tel que conçu dans les clubs, ni simplement gigoter. Pour « bouger 30mn par jour », on n’a pas besoin d’enseignants. De même les dispositifs tels « Générations 2024 », le « 2S2C », « une école/un club » sont tous conçus pour augmenter le rôle des intervenants extérieurs. C’est cohérent avec la pression permanente sur le français et les maths et la volonté d’orienter l’école vers un socle restreint. Aux PE le « lire, écrire, compter », à d’autres personnels, toutes les matières qui ont une teneur culturelle et pourraient être à terme privatisées. C’est un enjeu fort pour l’avenir du métier de prof d’école.

Quelles sont les difficultés et les leviers de cet enseignement ? 

L’enquête que nous avons menée sur des « écoles vitaminées » en EPS montre que la contrainte du temps pèse fortement sur l’EPS. Faire 45 mn d’EPS par jour, comme recommandé sur éduscol, est un idéal aujourd’hui impossible à tenir. Les écoles qui réussissent à assurer les horaires ont toutes des équipements au sein de l’école ou très proches et « complètent » leur horaire d’EPS par des rencontres ou des évènements sportifs, stages, sorties, spectacles… Il faut donc à la fois déculpabiliser les enseignantes et les enseignants qui courent sans cesse après le temps et les aider à mettre en œuvre des séances d’EPS le plus souvent possible, sans que cela demande une énergie folle. Le manque de formation est évidemment un frein, tout comme la suppression des conseillers pédagogiques en EPS. On se prive d’un accompagnement au plus près des personnels et d’une dynamisation de l’EPS en relation avec l’USEP. Dans certaines écoles, les équipes ont choisi d’avoir une personne ressource en EPS, pourquoi ne pas généraliser ce système en développant la formation continue ? Ailleurs, des collègues travaillent en co-intervention, ce qui est à la fois rassurant, facilitant et source de plaisir partagé. La preuve qu’il y a des solutions pour dynamiser l’EPS dans les écoles, encore faut-il qu’il y ait la volonté politique de les développer. Aujourd’hui, enseigner l’EPS à la hauteur des enjeux et des programmes relève du militantisme, c’est un obstacle à une généralisation.

Une particularité pour le "savoir nager" ? 

Là comme ailleurs, le nombre de piscines est déterminant, tout comme la formation. Apprendre à nager à l’école est une nécessité, non seulement pour se sauver mais pour avoir des loisirs actifs. On pourrait développer les stages de natation, sur le modèle de classe découverte, qui permettent des apprentissages massés très efficaces.