EMC : transmettre et faire vivre des valeurs
Mis à jour le 18.12.23
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Julien Delaye enseigne plus particulièrement l’EMC et organise la mise en œuvre de projets pédagogiques dans les classes. Il vient de publier, avec Serge Cospérec, « Faire vivre l’enseignement moral et civique. Enquêter et discuter collectivement en classe » (ESF Sciences humaines, 2023)
"Enquêter et discuter collectivement en classe"
Julien Delaye est professeur de philosophie et formateur à l’Inspe de Créteil. Il enseigne plus particulièrement l’EMC et organise la mise en œuvre de projets pédagogiques dans les classes. Il vient de publier, avec Serge Cospérec, « Faire vivre l’enseignement moral et civique. Enquêter et discuter collectivement en classe » (ESF Sciences humaines, 2023)
En quoi consiste l'EMC ?
Le premier axe porte sur les contenus : les principes et les valeurs de la République dans une société démocratique et leur transmission. Le second porte sur les modalités qui ont subi une forte évolution, avec le développement des débats argumentés, d’une culture de la coopération et de l’engagement. Les élèves doivent traduire dans leur action au sein de l’école l’appropriation de ces principes et valeurs. Cela offre des possibilités de travail mais génère aussi des difficultés pour les enseignants. Ces modalités sont laissées à leur libre initiative, il n’y a aucun cadrage, ni formation. Une autre difficulté porte sur les contenus car transmettre, s’approprier et faire vivre, sont des objectifs différents et n’impliquent pas les mêmes modalités de travail. De même, pour l’exigence de former les élèves au discernement, au jugement moral et à une autonomie critique qui doit s’articuler avec la liberté de conscience.
Quelles difficultés rencontrent les enseignants et les enseignantes ?
Pour commencer, le manque de formation et l’accumulation des tâches : il y a une énorme disproportion entre la volonté politique rappelée médiatiquement et les moyens mis en œuvre. La deuxième, conséquence de la première, est la disparité des pratiques. L’EMC est souvent répétitif, lassant et n’est pas mis en valeur. La troisième difficulté est pédagogique : l’enseignant transmet et les élèves incorporent, mémorisent, restituent et sont évalués. Comment fait-on pour travailler la solidarité et la coopération avec des élèves dans un système de travail qui ne montre pas l’exemple ? Les difficultés didactiques propres à l’EMC sont nombreuses. Savoir conduire une discussion est difficile : la vigilance des enseignants et enseignantes se porte souvent sur des exigences formelles et non sur la précision des propos qui concernent la notion visée.
“Comment fait-on pour travailler la solidarité et la coopération avec des élèves
dans un système de travail qui ne montre pas l’exemple ? ”
Comment éviter les erreurs didactiques ?
Avec une méthodologie de traitement : définir un plan de questionnement, une progressivité des objectifs, un séquençage. Comment choisir les inducteurs ? Quel point de départ pour la réflexion ? Quelle question vais-je traiter à la fin ? Comment, en approfondissant les raisonnements de plus en plus abstraits, va-t-on arriver à se poser d’autres questions ? Il faut aussi se préparer soi-même et se mettre au point avec ses valeurs et ses convictions... Ce qui est un travail personnel intéressant. Le métier s’exerce dans la démocratie avec diverses convictions qui s'affrontent, se justifient. Il est tout à fait possible de respecter, quand on est formé, la neutralité attendue du fonctionnaire, de former les élèves aux valeurs morales et citoyennes, de piloter une discussion en évitant les écueils, de mieux clarifier les attentes et les objectifs.
Comment faire en classe ?
Nous nous situons dans le cadre du programme d’EMC, ce qui veut dire accepter une heure par semaine, un cahier, des évaluations, des modalités alternées, un peu transmissives, un peu coopératives... et faire en sorte que la discussion permette de déboucher sur des problèmes qui soient compris et qu’on s’approprie. Ensuite, à partir d’albums, il faut choisir un thème porteur. « Yakouba » de Thierry Dedieu traite à la fois des choix de vie personnels et du courage, une notion qui représente un enjeu pour les élèves qui veulent grandir en réussissant des défis. On va pouvoir partir des connaissances immédiates de l’élève que l’on va clarifier et aller à un point d’arrivée qui est ambitieux, notamment en termes de conceptualisation. Dans « Frédéric » de Leo Lionni, le héros ne travaille pas comme les autres, mais est-il utile au groupe ? C’est un thème très important pour la vie de la classe elle-même. Autre point important : le plan de questionnement. Avec une carte des questions qui permet plusieurs parcours, on va pouvoir choisir, distinguer les niveaux de question, imaginer des passerelles entre les parcours. Le plan permet de piloter la discussion et suivre le mouvement de l’enquête à partir d’un cas particulier, de passer à la question générale, objet de l’enquête, avant de revenir aux cas particuliers, pour évaluer si les élèves ont bien compris.