"Dehors, j'apprends"

Mis à jour le 27.11.24

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Enseigner en dehors de la classe se décline sous diverses formes pédagogiques. Toutes bousculent les postures des PE et des élèves pour donner du sens aux apprentissages.

Christine Partoune est professeure honoraire en didactique de la géographie. Elle est également formatrice en éducation relative à l’environnement. 

Christine Partoune

“Pour la société et la planète, développer une capacité d’analyse réflexive”

COMMENT DÉFINISSEZ-VOUS LA « PÉDAGOGIE EXTRAMUROS » ?

Je la définis comme une pédagogie d’étude du milieu en dehors de la classe, voire de l’école. Elle ne se limite pas à une pédagogie dans la nature par la nature. L’enjeu est de former des élèves sensibles à leurs lieux de vie. En suscitant l’attachement à leur environnement, les élèves développent leur esprit critique, les amenant à mieux comprendre le fonctionnement de leur milieu. Ce dernier se trouve riche de ressources à exploiter pour fonder des apprentissages, comme un chantier public proche. C’est important pour les enfants de prendre conscience qu'ils ne sont pas seuls, que des acteurs de la défense de l’environnement existent et qu’ils peuvent agir avec eux. Articulée avec les forces vives - associations, structures publiques économiques, sociales ou culturelles -, cette pédagogie vise à former des citoyens impliqués et connectés avec leur territoire. L'école doit faire partie intégrante de ces acteurs. Les projets de cours oasis illustrent parfaitement cette vision de la “nature-cité”.

QUELS SONT LES CHOIX PÉDAGOGIQUES DES PE ?

Certains sortent le mobilier sans changer de pédagogie. D’autres ne se focalisent que sur le bien-être ou l’aspect ludique. Et puis, tous les enseignants ne sont pas à l’aise avec cette pédagogie. Mais la majorité des PE qui s’y intéressent fait appel à des associations avec des pédagogies actives et participatives. Le rôle de l’enseignant ou de l’éducateur est fondamental. Il ne suffit pas d’être en contact avec la nature pour apprendre. Les objectifs doivent être clairement définis, sinon faire classe dehors n’a pas de sens. Pour les activités en nature, les objectifs dépendent des différentes visions de la nature. Ainsi, cette dernière peut servir de matériel didactique pour réaliser des œuvres artistiques. Ou encore de laboratoire, où les élèves mesurent, expérimentent, observent, avec pour but d’acquérir des connaissances scientifiques. En revanche, je tiens à mettre en garde contre la résurgence des conceptions basées sur une pensée essentialiste de la nature comme remède “magique”.

“Former des citoyens impliqués et connectés avec leur territoire”

QU’APPORTE L’ENSEIGNEMENT HORS LA CLASSE AUX ÉLÈVES ?

Les enjeux se trouvent tant au niveau du développement de l’enfant qu’au niveau de la société et de la planète Terre. À propos du développement de l’enfant, cet enseignement agit sur son développement psychomoteur, sa santé physique et son dynamisme. L'immobilisme dans la vie quotidienne a des conséquences désastreuses. De plus en plus d’enfants sont anxieux, obèses, déprimés. Ensuite, en utilisant ses cinq sens et en mettant des mots sur ce qu’il observe dehors, l’élève construit de solides connaissances empiriques. Enfin, il stimule son esprit d'initiative, d’investigation et de débrouillardise, en construisant une cabane par exemple. Pour la société et la planète, l’enjeu est de développer une capacité d’analyse réflexive. Dès le plus jeune âge, apprendre aux enfants ce que veut dire construire un commun est indispensable.

COMMENT DÉVELOPPER CE TYPE DE PÉDAGOGIE ?

Un enseignant ne peut pas se lancer isolément au risque de créer des tensions, tant avec ses collègues qu’avec les parents. La pédagogie extramuros ne peut pas être imposée. D’autant que d’autres pédagogies ont fait leurs preuves. Le projet doit être porté par l’équipe d’école, qui veille à sa cohérence globale. Les enseignants impliquent les parents en leur apportant des preuves tangibles que les élèves apprennent en faisant classe dehors. Sur le plan matériel, l’institution peut prendre en charge un équipement identique pour sortir, à destination de tous les élèves. En effet, certains d’entre eux n’ont pas les moyens de se vêtir correctement. Ensuite, cartographier les villes dites « marchables » permet de repérer des lieux de sortie sécurisés. Enfin, la formation peut être un levier, si elle donne la possibilité aux enseignants et futurs enseignants de sortir. Il n’y a qu’en prenant plaisir à arpenter les lieux, en rencontrant les acteurs de terrain que les enseignants se sentiront à l’aise et motivés pour transposer cette pédagogie avec leurs élèves.