Cultures à l'école : créer des ponts
Mis à jour le 28.11.24
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L’école est à l’image de la société : diverse, plurielle et riche des différences des élèves qui la fréquentent. Une diversité trop souvent minorée et considérée comme un obstacle aux apprentissages. Pourtant élèves, parents, PE ont à gagner à prendre en compte cette diversité, à la considérer comme une ressource.
Véronique Lemoine-Bresson est maîtresse de conférences en didactique des langues et cultures à l’université de Lorraine. Co-autrice de « Les cultures à l’école », Ed. Retz.
“Toute une complexité de la culture de l’autre”
QUE RECOUVRENT LES CULTURES À L’ÉCOLE ?
C’est un terme que l’on entend dans le discours commun qui fige souvent les gens dans des cases, dans une culture qui amène à des comparaisons - telle culture versus telle autre - comme si les personnes étaient des entités figées. Le terme le plus juste est plutôt la question interculturelle, toutes les relations humaines qui vont mettre le soi et l’autre dans l’interaction en prenant en compte le côté multiple des personnes: genre, situation de handicap, âge, langue, pays d’origine, présence d’une famille ou pas, compétences dans telle ou telle discipline, cursus scolaire, etc. En réalité, il y a toute une complexité de la culture de l’autre. Si on prend seulement un aspect, du point de vue de la langue par exemple, certains enfants ou familles sont pensées par soustraction parce qu’ils “ne maîtrisent pas le français”. Les autres aspects des personnes -il y a autre chose qui se joue que la langue parlée-, sont des impensés alors qu’ils peuvent permettre à ces enfants de réaliser certains apprentissages, aussi bien, voire mieux, que des élèves dits “ordinaires”.
CETTE DIVERSITÉ EST-ELLE UN OBSTACLE OU UNE RESSOURCE POUR L’ÉCOLE ?
Elle est à la fois vantée comme une richesse dans les médias, les textes officiels, sans préciser souvent ce qu’il y a derrière cette diversité. Dans les classes, lorsqu’on regarde les pratiques, la diversité est souvent considérée comme un frein. Beaucoup de recherches ont montré que l’on peut utiliser cette diversité comme une ressource mais pour cela il faut qu’il y ait un changement de regard sur les langues des familles des élèves par exemple. Encore aujourd'hui, des langues sont valorisées et d’autres ne le sont pas par notre système : les politiques, le système scolaire, la société en général. Il est nécessaire de prendre conscience de cette réalité pour modifier notre regard. Pour la considérer comme une richesse et savoir que faire de cette diversité, les formateurs et les enseignants doivent être formés.
“L'assignation de l’autre à être ceci ou cela est l’un des premiers écueils à éviter”
COMMENT PRENDRE EN COMPTE CETTE DIVERSITÉ ?
En reconnaissant que la diversité existe dans toutes les classes et s’y intéresser, en revisitant ses croyances, en arrêtant de penser qu’il y a des classes homogènes et d’autres hétérogènes. Tous les publics sont pluriels, c’est inhérent à l’être humain. La prise en compte de la diversité dans les pratiques peut se faire de plusieurs façons. Par exemple, les compétences sous-jacentes de la langue parlée à la maison peuvent servir d’appui pour l’apprentissage de la langue française. C’est le cas de toutes les langues de la même famille comme le français et l’espagnol. C’est aussi prendre en compte la voix des parents, les écouter, les accueillir autrement que pour leur dire que les devoirs ne sont pas faits…
QUELS SONT LES ÉCUEILS À ÉVITER ?
L'assignation de l’autre à être ceci ou cela est l’un des premiers écueils à éviter. Pour toutes les interventions des parents en classe, il est important de les associer à la construction des ateliers, leur donner une réelle place, de veiller à ce que ce ne soit pas l’école qui prenne la main. Ils doivent avoir leur mot à dire car on ne sait pas jusqu’à quel point ils acceptent volontiers parce que c’est l’école qui le demande. Il faut avoir la même vigilance avec les élèves. Un autre écueil important est de ne pas les désigner par un terme en lien avec une particularité. Il faut également arrêter de penser que les enfants, qui n’ont pas de diversité visible, ne seraient pas divers. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de modifier la façon de penser l’autre.