Classes multilingues : défi ou richesse ?
Mis à jour le 18.12.23
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Nathalie Auger est professeure des universités en sciences du langage à l’université Paul-Valéry - Montpellier III et responsable du master de français langue seconde. Au sein de l’UR LHUMAIN, elle mène des recherches en Europe et au Canada sur ce que l’enseignement du français "langue maternelle" peut signifier dans les contextes plurilingues/multiculturels. Elle a co-écrit le livre "Défis et richesses des classes multilingues"
Nathalie Auger est professeure des universités en sciences du langage à l’université Paul-Valéry - Montpellier III et responsable du master de français langue seconde. Au sein de l’UR LHUMAIN, elle mène des recherches en Europe et au Canada sur ce que l’enseignement du français "langue maternelle" peut signifier dans les contextes plurilingues/multiculturels. Elle a co-écrit le livre "Défis et richesses des classes multilingues"
“Pour s’approprier de nouvelles connaissances, on s'appuie sur ce qu'on connaît”
En quoi des langues et cultures différentes peuvent être une ressource pour les apprentissages ?
Si on prône une école inclusive, s’appuyer sur les connaissances des élèves est essentiel. Prendre en compte et valoriser les langues et expériences culturelles des élèves acquises en dehors de l’école est un moyen de booster leur motivation. Davantage sécurisés affectivement et cognitivement, les élèves sont plus à même d’opérer des transferts entre ces connaissances « déjà là » et les objectifs du programme. Leurs expériences culturelles et langagières favorisent leur réussite dans l’apprentissage du français, des autres langues vivantes mais également leur compréhension du monde dans d’autres disciplines : mathématiques, sciences… Il est important que nous adoptions une posture interculturelle. Une dynamique dans laquelle les élèves ont beaucoup à apprendre des autres élèves, mais qui nous apprennent aussi beaucoup en enrichissant le cours.
Comment cela peut-il se traduire dans les pratiques de classe ?
Présentons le schéma du « diamant langagier ». Son principe : plusieurs facettes qu’on peut activer et grâce auxquelles chacun peut « briller ». La première peut se travailler dès le début de l’année en constituant les biographies langagières de la classe, simplement à l’oral ou par des projets artistiques. Ensuite, la bibliothèque de classe peut s’étoffer d’un fond multilingue, c’est-à-dire dans plusieurs langues (manuels scolaires, albums, BD, livres, audios… amenés par les élèves). Ces éléments, qui permettent de découvrir d’autres alphabets par exemple, donnent aux élèves envie de s’ouvrir sur le monde et d’apprendre des nouvelles langues, cultures, manières de faire. Troisièmement, l’enseignant peut favoriser le tutorat mutuel. Les interactions ne doivent pas être asymétriques et doivent permettre à chaque élève de valoriser ses compétences dans différentes disciplines. Enfin, les parents peuvent être inclus en participant à des projets de classe comme des lectures dans plusieurs langues, des visites multilingues au musée.
“Le langage n’est pas une maladie.
Il nous permet d’apprendre et de nous construire en tant qu’être humain”
Comment s'approprie-t-on langues et cultures du point de vue psycho-affectif et cognitif ?
Pour s’approprier de nouvelles connaissances, on s’appuie sur ce qu’on connaît. On ne dira pas à une personne qui apprend à conduire un camion d'oublier tout ce qu’elle a appris pour conduire une voiture. Il en est de même pour apprendre les langues. Ensuite, on active ce qu’on appelle des transferts. On crée des « ponts ». Par exemple, on teste des régularités observées d’un mot sur un autre mot. Ainsi, en espagnol on remarque qu’il y a un « o » ou « a » à la fin des noms. Des élèves peuvent » transférer cette connaissance au français, par exemple natura à la place de nature. Il importe de de ne pas stigmatiser cette erreur mais de s’appuyer dessus pour mener des réflexions méta-linguistiques : « C’est intéressant parce que c’est presque la même écriture, ce qui change c’est... ». L’erreur est une étape essentielle dans l’apprentissage qu’il convient d’accueillir positivement.
Pourquoi représentent-elles aussi un défi dans les apprentissages ?
Un des défis réside dans les représentations. Souvent dans les médias, on fait intervenir des médecins ou des orthophonistes sur le langage. Mais le langage n’est pas une maladie. Il nous permet d’apprendre et de nous construire en tant qu’être humain. Le défi majeur est de pouvoir former les enseignants pour qu’ils changent leurs représentations. La priorité est de les sécuriser pour leur permettre d’appréhender au fur et à mesure les langues et cultures des élèves. Ils pourront ainsi instaurer une relation de confiance. Finalement, le multilinguisme et le plurilinguisme en France sont la norme. Il est donc tout aussi important d’impliquer tous les acteurs de l’école, y compris les accompagnantes des élèves en situation de handicap et les personnels périscolaires. Pour relever ces défis, avoir le temps de travailler en équipe paraît indispensable.