Vivre à en mourir
Mis à jour le 19.03.24
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Missak et Mélinée Manouchian, des livres pour en parler
“Être prophète des nuages, du ciel,
Parler à la fleur la langue de la source,
Apprendre de l’oiseau le secret de l’amour
Et le chuchoter chaudement à l’oreille de ma bien-aimée,
De la bouche des étoiles à l’étreinte du rêve…”
Missak Manouchian
Une cérémonie émouvante le 21 février 2024 pour l’arrivée au Panthéon du couple Manouchian : une occasion exceptionnelle pour faire œuvre de mémoire, rendre hommage à celles et ceux qui ont su résister et parfois payer de leur vie leur engagement pour la liberté et la vie. Ouvrier, poète et militant communiste arménien immigré en France, Missak Manouchian fut fusillé par les nazis le 21 février 1944 avec 22 de ses camarades au Mont-Valérien, alors que la seule femme de ce groupe sera déportée et exécutée en Allemagne. Pour raconter cette histoire aux enfants, Rue du Monde réédite un album exceptionnel Missak, l’enfant de l’Affiche rouge, augmenté de documents, photos et explications sur la panthéonisation. Orphelin rescapé du génocide arménien et exilé au Liban, Missak rejoint en 1924 la France, pays des Lumières. Marseille, La Seyne-sur-Mer, et puis Paris, où, avec ses frères, il exerce différents métiers, tout en écrivant des poèmes. Militant communiste, il devient une figure importante de la Résistance, dirigeant les FTP-MOI, les résistantes et résistants arméniens, polonais, italiens, espagnols, hongrois, français, roumains, etc., dont beaucoup étaient juifs. Avec Mélinée, ils résistaient ensemble et s’aimaient follement. Arrêté en 1943,, ses derniers mots pour Mélinée sont empreints d’humanisme et d’espoir: « Je n’ai aucune haine contre le peuple allemand ». Il est « sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement ». Les illustrations de Laurent Corvaisier alternant pages aux aplats colorés et celles à l’encre noire sur fonds blancs, donnent à voir cette vie pleine d’amour, d’amitiés, d’engagements littéraires et politiques et le contrepoint de l’arrestation, la prison, le deuil, la mort…. Superbe et émouvant, l’album se met à hauteur d’enfant.
"Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant"
Pour les plus grands, en Segpa par exemple lors de lectures offertes : Missak et Mélinée, une histoire de l’affiche rouge. Un roman humaniste qui met lui aussi en avant la place des immigré·es dans l’histoire de la France par le biais de la Résistance. Des femmes et
des hommes prêts à mourir pour un, pays qui n’était pas le leur mais qui avait su les accueillir.
Dans les années 50, le poème d’Aragon «L’affiche rouge» leur rend hommage. Mis en musique par Léo Ferré, repris par Bernard Lavilliers ou HK et les saltimbanques, en 2024 c’est Arthur Teboul des Feu ! Chatterton qui nous en offre une nouvelle et poignante interprétation : «Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant / Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir / Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant ». La panthéonisation de Missak et Mélinée, accompagnés des portraits de leurs compagnons, écrit dans le récit national la reconnaissance qu’on doit à celles et ceux qui ont lutté pour la liberté, inscrivant la place des immigrés et des femmes dans cette Histoire.