Une journée particulière

Au château de Cabasse à Miramas, dans les Bouches-du-Rhône, maternelles et élémentaires profitent de séjours scolaires, sans nuitée.

« Ah ! c’était trop bien, on a parcouru la forêt, descendu les pentes, roulé dans la boue »… Au pied des platanes du domaine de Cabasse, à Miramas dans les Bouches-du-Rhône, le retour de balade en vélo prend des accents de joute pagnolesque. Quand Sofian affirme téméraire, « des fois, on perd le contrôle mais moi j’ai bombardé ! », Aymen tempère « j’ai freiné dans la pente, t’es fou toi ! » Qu’il s’agisse de Manal qui « n’a pas de vélo à la maison » ou d’Aymen qui a « tamponné dans un arbre », l’envie d’y retourner est partagée par les CE2 de Sylvie Ribeiro de l’école Giono. Bien que classée en REP+, cette école miramasséenne n’est située qu’à un petit quart d’heure du château de Cabasse, « ancienne ferme moyenâgeuse, historiquement intégrée à l’abbaye de Montmajour », aime à rappeler, non sans fierté, Stéphane de l’équipe d’animation. La structure municipale, au cœur d’un domaine public interdit aux véhicules, ravit les élèves de cette cité provençale, entre Arles et Aix. Depuis 40 ans, elle leur propose des séjours hebdomadaires sans nuitée. Trois classes, deux élémentaires et une maternelle, empruntent le car pour un trajet aller-retour qui borne la journée « transplantée ». Le succès des séjours à dominante sportive, environnementale, scientifique ou artistique ne se dément pas : « 96% des enseignants de la commune présentent un projet pédagogique », précise Sébastien Bourelly, conseiller pédagogique EPS d’une circonscription qui veille à simplifier les démarches administratives. « La fiche projet est facilitante, moi qui déteste la paperasse, je m’y retrouve », confirme Sylvie Ribeiro. Clé de voûte de la qualité pédagogique des activités proposées, « l’encadrement de trois animateurs sciences et deux postes et demi d’ETAPS* » vanté par Florence Domergue, responsable municipale du pôle Éducation sportive est également plébiscité par les PE. « L’équipe d’animation est géniale, apprécie Sylvie Ribeiro. Nadia et Leslie sont des passionnées qui aiment transmettre. Je me sens portée par leurs propositions, ça fait du bien tandis qu’en classe, il faut gérer de A à Z ». Généralement organisées sur le temps méridien, des réunions de préparation ont permis d’affermir en amont la cohésion de l’attelage animation/PE et la cohérence du projet commun. « D’année en année, c’est mieux organisé et les propositions d’activité sont bien structurées et renouvelées », renchérit Laurence Fourès dont la classe de GS/CP/CE1 de l’école du village s’affaire autour de plantations du potager.

Tous ensemble

Pour des élèves issus d’écoles en milieu très urbanisé « dont beaucoup ne sortent pas de chez eux », la première plus-value éducative du séjour réside pour Sylvie Ribeiro dans la découverte d’une nature florissante le long des chemins du parc forestier, une nature géographiquement proche mais parfois culturellement éloignée. Un environnement naturel qui favorise également la cohésion de classe, recherchée par Laurence Fourès pour son triple niveau : « En activité, on se mélange plus. Je ressens plus le groupe-classe avec davantage d’interactions entre ce que font les GS et les CP/CE1 ». Ce raffermissement des liens entre et avec les élèves, « particulièrement ressenti en septembre » selon Sylvie Ribeiro, tire ainsi profit de la pratique inédite du VTT avec « une autre approche des enfants en difficulté qu’on sent plus à l’aise et moins face à l’échec ». Des coups de pédale à l’unisson génèrent des changements de braquet pour les élèves « qui bougent en classe et pour qui ça se passe mieux ici » mais aussi des changements de regards côté maîtresses : « On connaît mieux les élèves, on les voit autrement ». Cette dynamique du vivre ensemble bénéficie à chaque élève. Ainsi Brian, en situation de handicap moteur, assisté de son AESH Priscilla Palvedeau, « est parvenu à pédaler en ligne droite sur le plan d’entraînement », se réjouit Noémie Dupuis, dont le CE2-CM1 complète le trio de classes. 

Avec ou sans nuitée ? 

S’assurer de la participation de toute la classe, rien qui n’aille de soi… « Il faut convaincre les parents, les rencontrer avant », rappelle Noémie. La prise de repas à la cantine est un frein pour des familles dont les pratiques religieuses se traduisent par des interdits alimentaires. Des difficultés sans commune mesure avec celles « d’un collègue de Giono dont le projet de séjour dans les Alpes-de-Haute-Provence a été annulé car deux tiers de la classe ne souhaitaient pas partir ». Des séjours avec nuitées que Sylvie n’envisage pas pour préserver sa vie de famille avec « de jeunes enfants ». Laurence estime pour sa part qu’« un séjour avec nuitée, ça reste compliqué avec des GS. Pourquoi ne pas essayer une ou deux nuitées, mais pas au-delà ». Pour l’heure, sa classe a rendez-vous avec Carine, ETAPS, dans la « forêt des Schtroumpfs » pour une séance d’escalade sur site naturel. La dégustation de salsepareille qui borde les rochers gravis ne figure évidemment pas au projet pédagogique.
* Éducateur territorial des activités physiques et sportives.

ANNE CARAYON est directrice générale de la Jeunesse en plein air (JPA)

Quels sont les apports des séjours scolaires ?

Le changement de regard entre élèves et PE, avec de belles découvertes humaines. Les motivations des PE sont le vivre ensemble, l’apprentissage des règles de vie en collectivité, la curiosité suscitée par le changement d’environnement, la cohésion de la classe et l’illustration concrète des savoirs enseignés. Les parents y voient une chance d’expérimenter des choses inédites.

Des obstacles ? 

La lourdeur administrative, associée à la crainte de ne pas convaincre tous les parents et de se voir refuser le départ par l’inspection. Les délais de validation sont trop longs pour une organisation souple. Les freins sont également financiers. Les aides, de la JPA ou des collectivités territoriales, sont essentielles car elles permettent d’imaginer le séjour. Le principal financeur reste les familles, parfois prêtes à réduire les dépenses d’alimentation. L’aide de la JPA vise à corriger ces inégalités.

Des conseils ? 

Bien préparer avec les parents, les associer tôt pour leur donner envie. En amont, contacter l’organisme d’accueil pour échanger sur tous les points, des activités pédagogiques proposées en lien avec les programmes. Bien se renseigner sur la gestion de la vie quotidienne, premier frein à lever auprès de parents soucieux de l’alimentation et du quotidien. Et valoriser la richesse pédagogique des interventions d’animateurs spécialisés.

UN CADRE RÉGLEMENTAIRE STABLE

La circulaire de septembre 1999 relative à l’organisation des sorties scolaires expose l’essentiel des conditions d’encadrement, de sécurité, d’assurance pour trois catégories : les sorties régulières (sur temps scolaire), les occasionnelles sans ou avec nuitée(s). Ces dernières sont soumises à autorisation de l’inspecteur d’académie, toutes les autres sont autorisées par la direction d’école. En complément, la circulaire de janvier 2005 insiste sur les enjeux pédagogiques. Disponibles sur EDUSCOL.FR

COVID +, SORTIES 

En l’absence de données nationales ministérielles, l’évolution des aides octroyées par la JPA constitue l’un des rares indices d’évolution des départs en classes transplantées. Alors qu’en 2019, 14 000 élèves bénéficient d’une aide, ils ne sont que 3 000 en 2020 et à peine plus de 1 600 en 2021. En 2022, les demandes d’aides repartent à la hausse et pourraient retrouver le niveau d’avant Covid.

LE GUIDE DE LA  MAIF 

« Organiser une classe de découverte » propose conseils de préparation, rappels réglementaires sur autorisations et délais, informations aux familles, solutions de financement, particularités des séjours à l’étranger, etc. Rubrique « Guides des établissements » sur MAIF.fr