Une école hors contrat à Pau (64): "Dis t’as-vu Montessori ?"

Mis à jour le 16.07.17

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Depuis la rentrée une école privée labellisée Montessori a ouvert ses portes à Pau (64). Une initiative de plus en plus courante qui interroge l’école publique et ses acteurs.

«Une pédagogie qui respecte le rythme de l’enfant, du matériel spécifique, des éducateurs à l’écoute de chaque enfant, une pédagogie bienveillante, tournée vers la nature et le respect de l’environnement » : le site internet de l’école Montessori de Pau n’est pas avare de formules ronflantes et bien dans l’air du temps pour attirer les familles. Ouvert depuis septembre 2016, l’établissement hors contrat dirigé par une professeure de l’école issue du public compte aussi deux éducateurs dont la formation se limite à celle dispensée par l’AMI (Association Montessori internationale). Cet encadrement sommaire et le tarif mensuel qui va de 350 à 450 euros n’ont pas empêché l’école de faire le plein de ses deux classes multi-âges ; l’une maternelle et l’autre élémentaire dès cette année.et de recruter un animateur supplémentaire pour l’an prochain.

La séduction de l’innovation

Une concurrence pour l’école publique ? Pour Mathilde Blanchard, secrétaire départementale du SNUipp-FSU 64, le risque existe même s’il n’y a pas pour le moment une évasion significative d’élèves vers le privé « La déperdition s’effectue plutôt au niveau du collège. En élémentaire, pour l’instant, nous mesurons plutôt l’impact de la réforme des rythmes avec des familles qui optent pour des écoles privées qui travaillent sur quatre jours » Le syndicat n’a pas souhaité communiquer sur l’ouverture de l’école Montessori à Pau, jugeant qu’elle était déjà suffisamment mise en lumière par les médias. Mais Mathilde s’inquiète « de pratiques innovantes qui séduisent certains collègues et qui laissent de côté le caractère collectif et social des apprentissages ». Elle regrette « le défaut de formation continue qui permettrait d’analyser certaines démarches et de se les réapproprier dans le cadre de l’école publique ».

Les apprentissages en question

Sylvie Cuculou, IEN, a suivi l’émergence du projet et visité l’école dans le cadre de la mission d’inspection obligatoire y compris pour les écoles hors contrat. Si elle ne peut, devoir de réserve oblige, faire état de ses conclusions, elle livre toutefois une analyse personnelle sur l’essor de ce qu’elle qualifie de nouvelle offre éducative : « l’ouverture de cette école à Pau s’inscrit dans un véritable marché de l’éducation en développement, elle s’est d’ailleurs installée à la suite d’une étude de marché. » Dans un contexte de « perte de confiance dans l’école publique », l’inspectrice relève que « les messages actuels qui confortent les méthodes pédagogiques où semblent se lever les contraintes d’apprentissage sont particulièrement séduisants. » C’est pourquoi elle souligne la nécessité de « questionner impérativement la réalité de tous les apprentissages et leur stabilisation dans le temps » dispensés aux élèves dans ce type d’école. Enfin Sylvie Cuculou ne peut que relever l’absence dans cette école « de places explicitement et volontairement dédiées, aux élèves porteurs de handicap, issus des familles du voyage, migrants, intellectuellement précoces… Des enfants qui constituent des défis pédagogiques à relever mais aussi des leçons pour un humanisme en acte… » Car la difficulté mais aussi la richesse de l’école publique, c’est bien d’accueillir tous les élèves.

« L’ouverture de cette école s’inscrit dans un véritable marché de l’éducation en développement. »

En bref

ÉCOLES HORS CONTRAT: PAS QUE DES OUVERTURES

Ouverte en fanfare à la rentrée, l’école privée hors contrat Montessori de Voiron (38) a déjà perdu tous ses élèves et fermé ses portes à la fin mars. Les parents qui ont déboursé près de 5400 € par an et par enfant dénoncent du personnel non formé, l’absence de surveillance des élèves et des problèmes d’hygiène. Un épisode qui n’est pas isolé et intervient après la publication d’un rapport réalisé dans l’académie de Versailles qui montre des dysfonctionnements importants dans une trentaine d’établissements hors contrat.

ESPÉRANCE BANLIEUES DES ZONES D’OMBRES

Le réseau d’écoles hors contrat Espérance banlieues a bénéficié d’une large couverture médiatique. Financé par la fondation du même nom, des entreprises, des particuliers, ce réseau entend apporter dans les quartiers une réponse de type traditionnaliste avec uniforme, lever de drapeaux, remise de prix. Le SNUipp-FSU s’est alarmé de ce développement comme dans les Yvelines d’écoles « réactionnaires qui visent à détruire le service public d’enseignement pour le remplacer par le chèque éducation, les écoles confessionnelles. »

PAMPHLET: CÉLINE ALVAREZ ET LE BUSINESS PÉDAGOGIQUE

Laurence de Cock, professeure d’histoire-géographie et membre du collectif Aggiornamento est loin de partager l’enthousiasme suscité par le livre de Céline Alvarez Les lois naturelles de l’enfant. Dans un article publié dans le dernier numéro de La revue du Crieur, elle dénonce « une expérience (qui) a servi de cheval de Troie aux appétits entrepreneuriaux, qui se nourrissent des échecs de l’école publique pour tenter d’y mener un business au potentiel fort lucratif ».

L'ensemble du dossier ici.

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