Un pas en avant
Mis à jour le 31.01.25
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En classe de CP à l’école Europe-Nations de Vandoeuvre-lès-Nancy, l’entrée en géomé- trie passe par le corps.
« Un pas à gauche », indique Salma à Lucas, qui se déplace au son de la voix de ses camarades dans des cerceaux. Les élèves de CP de l’école élémentaire REP Europe-Nations de Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle) sont absorbés par un nouveau jeu d’orientation. « Un pas derrière », ajoute Enes. « En arrière », reprend la maîtresse, Audrey Tschannen, enseignante en CP depuis cinq ans. « Gagné », s’esclaffent en chœur les élèves quand leur camarade atteint l’arrivée.
« Maintenant, la quille jaune représentera un élève. Imaginez un message à lui transmettre pour que cette quille rejoigne la rouge », demande l’enseignante. Par deux, les élèves se creusent les méninges. Puis, c’est l’heure des essais. Khayroulla teste un message écrit sans parvenir à destination. « Je n’ai pas eu le temps d’écrire tous les mots », commente Maryam. Kelvin essaye de décrypter en vain un dessin. « Lahcène a proposé des flèches », rebondit la maîtresse. « Que veut dire cette flèche en avant ? », interroge-t-elle. « J’avance d’un cerceau », répond Younès, débout, prêt à tester cette proposition. Mais ses déplacements l’emmènent hors champ. « Il y en a trop », remarque Sena. « Reprenons les déplacements un par un », préconise l’enseignante en sortant ses modèles de flèches. « Par quoi commencer ? », interroge-t-elle. « La flèche qui dit d’avancer », s’exclame Sohaïb. Puis les élèves placent les autres en se remémorant leurs significations au fur et à mesure qu’ils avancent la quille. En avant, puis à gauche, et encore à gauche, les élèves s’exaltent au fil de leurs succès jusqu’à l’arrivée triomphale.
LEVER LES OBSTACLES
« Je vis et je verbalise ». Une démarche participative que développent Audrey et sa collègue de CE2, Delphine Feid, aussi maîtresse formatrice, dans le cadre de leur participation au groupe « Animaths ». « Pour entrer dans la géométrie, les élèves doivent d’abord acquérir les connaissances spatiales », précise Audrey. Elle ajoute que « ces connaissances vont de pair avec un vocabulaire spécifique ». « Le langage est indispensable pour construire les concepts », complète Delphine. « En passant par le corps, les élèves mémorisent davantage le lexique et se créent des représentations mentales qu’ils pourront utiliser lors du passage au micro-espace de la feuille ».
Par ailleurs, hors la classe, en situation grandeur nature, ces enseignantes observent que les élèves osent se lancer, notamment les plus anxieux. « Ils constatent qu’ils en sont capables », exprime Audrey. « Ces expériences leur permettent d’échanger, d’essayer, de prendre appui sur leurs erreurs pour avancer », complète Delphine. Depuis qu’elle a ritualisé ce type de séances, Audrey s’aperçoit des progrès fulgurants de ses élèves, particulièrement pour construire les notions abstraites, comme ici le codage d’un déplacement. Autant de points d’appui qui seront remobilisés aux cycles 2 et 3, par exemple pour la reproduction de figures géométriques sur quadrillage.