Tous des bons profs

Mis à jour le 05.10.20

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Interview de Asma Benhenda, chercheuse à l’École d’économie de Paris puis à l’University College London.

Asma Benhenda a été chercheuse à l’École d’économie de Paris puis à l’University College London.
Dans « Tous des bons profs », publié chez Fayard, elle réunit les résultats de ses recherches sur l’impact des politiques éducatives à destination des enseignants et enseignantes et parle, au moins pour le cas français, d’un rendez-vous manqué.

Asma Benhenda

« Tous des bons profs » : un souhait ou une réalité ?

C’est une réalité, puisque tous les enseignants ont le potentiel d’être de bons enseignants. Et cela repose en très grande partie sur le contexte dans lequel chacun d’entre eux évolue. Mais c’est aussi un souhait, car il n’y a pas de bon système éducatif sans bons enseignants. Ils sont les acteurs les plus importants de l’Éducation nationale. La qualité du système dépend d’eux et cela ne se traduit malheureusement pas par des politiques éducatives à la hauteur de l’enjeu. Agir sur le contexte en créant des conditions de travail nécessaires pour accompagner leur mission devrait être prioritaire. On pourrait avoir des bons enseignants partout mais faute de moyens, au final, c’est plus un souhait qu’une réalité.

Peut-on parler de « valeur ajoutée » d’un enseignant ?

De nombreux travaux en sciences sociales montrent que les enseignants sont un déterminant important dans les résultats scolaires à court terme des élèves mais aussi à plus long terme pour leur trajectoire professionnelle ou encore sur leurs qualités cognitives et émotionnelles. Aussi, se sont développés des modèles statistiques de valeurs ajoutées qui cherchent à mesurer dans le résultat d’un élève ce qui est dû à son enseignant et ce qui est lié à d’autres facteurs comme ses parents ou son environnement. Ces modèles peuvent être utiles dans le cadre de la recherche, mais il faut les utiliser de manière complémentaire aux approches qualitatives. Quand ils sont utilisés à des fins politiques pour prendre des décisions de ressources humaines, c’est plus que limite. De plus, pour l’enseignement cette mesure reste aléatoire et très controversée. Elle peut être confondue avec des facteurs extérieurs tel que le contexte socio-économique, le quartier, la population observée… Encore une fois, on gagnerait davantage à agir sur les conditions qui permettent un épanouissement professionnel plutôt que de chercher à faire porter la seule responsabilité des difficultés d’un élève sur son enseignant.

Qu’est ce qui fait un bon enseignant ou une bonne enseignante ?

Malheureusement ou heureusement, il n’y a pas de réponses précises. Enseigner est une activité très complexe et multidimensionnelle et il est difficile d’isoler un facteur. Les qualités pédagogiques, relationnelles, la maîtrise disciplinaire, jouent chacune un rôle. Cela devrait avoir des conséquences importantes sur les politiques de recrutement qui depuis la mastérisation mettent davantage l’accent sur les connaissances disciplinaires que sur d’autres facteurs qui sont bien entendu plus complexes à mesurer. In fine, l’expérience professionnelle reste l’indicateur qui ressort assez clairement dans les enquêtes. Les enseignants progressent très rapidement dans les premières années d’expérience. Enfin, un enseignant peut aussi se montrer plus à l’aise avec un type d’élève que d’autres ou produire des effets différents. Il a par exemple été montré qu’une enseignante pour les disciplines scientifiques permettaient aux élèves filles de mieux y réussir.

“On gagnerait davantage à agir sur les conditions qui permettent un épanouissement professionnel
plutôt que de chercher à faire porter la seule responsabilité des difficultés d’un élève sur son enseignant.”

Comment leur permettre de s’améliorer ?

La question des salaires est un point important. Les augmenter significativement ne serait pas de l’argent gaspillé. Depuis la mastérisation, un enseignant renonce comparativement au secteur privé à une bonne partie de sa rémunération. Sur la formation, ce qui est très expérimenté dans d’autres pays, c’est le modèle de mentorat. Par exemple, la coopération avec des enseignants expérimentés et des dynamiques d’écoles pour accompagner les néotitulaires montrent leur efficacité. Enfin, l’évaluation des enseignants doit s’attacher à être déconnectée des promotions et de la progression de carrière. Il faut développer des pratiques réflexives, intensives et personnalisées qui permettent le développement d’une relation pédagogique de l’enseignant avec son tuteur.

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