Santé : enfants du 93 soyez patients...
Mis à jour le 29.05.18
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L’école ne joue pas son rôle dans la prévention et le suivi médical des élèves
Les Journées européennes de l’obésité des 18 et 19 mai, ont été pour les professionnels de la santé l’occasion de rappeler qu’il y a trop d’enfants en surpoids en France et qu’ils sont deux à trois fois plus nombreux à connaître ce problème de santé dans les milieux populaires. On se souvient aussi qu’au début des années 2010 plusieurs maladies qu’on croyait oubliées ont fait leur réapparition dans les quartiers en grande difficulté : la tuberculose, le saturnisme, la gale… une résurgence la plupart du temps liée à un habitat insalubre, à la promiscuité... Plusieurs études ont confirmé ces dernières années cette froide réalité, être pauvre nuit gravement à la santé. Inégalités sociales qui entraînent des inégalités face à la santé, certains territoires sont plus touchés que d’autres car ces inégalités sont aussi spatiales. Exemple avec la Seine-Saint-Denis, en 2014 le département comptait selon l’Insee 30% d’habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté, contre 14,1 % pour la moyenne française.
Une préoccupation de tous
La santé des enfants relève de l’action concertée ou non d’un certain nombre de partenaires. En Seine-Saint-Denis il y a peu de pédiatres, les familles n’ont pas toujours un médecin traitant, c’est plus souvent qu’ailleurs au dispensaire ou dans les centres de soins municipaux que les enfants sont soignés. Une centaine de PMI dépendant du Conseil départemental assurent une mission de prévention pour les 0 à 6 ans. "Nous travaillons en partenariat avec l’école et assurons des missions de prévention, pour le surpoids par exemple avec la mise en place d’un protocole de suivi avec des équipes pluri-professionnelles. Nous sommes aussi en lien avec les familles pour les soutenir le suivi des préconisations des médecins", explique Ophélie Optaly, puéricultrice à la PMI de l’Île-Saint-Denis.
à La Courneuve, c’est le tout nouveau Centre municipal de santé qui est devenu incontournable pour répondre aux besoins du territoire. Pour le docteur Bioka, de l’Unité santé publique du CMS, faciliter l’accès aux soins reste une priorité. "Le Centre mène des actions sur l’hygiène, la nutrition, la promotion de l’activité physique ou les addictions en direction de tous les publics scolaires. La gale, la rougeole, la tuberculose font l’objet de campagnes de dépistage, de prévention et de traitement par les services du département. »
Que fait l’école ?
Depuis la création en 1991 du service de promotion de la santé en faveur des élèves rattaché au ministère de l’éducation, les lois, les parcours de santé ou les conventions de partenariat se sont accumulés sans enrayer la dégradation de la situation de la santé scolaire. Le gouvernement a dévoilé en mars dernier son plan de prévention santé assorti notamment de campagnes de prévention et de promotion de la santé à l’école. Mais avec quels moyens pour répondre aux besoins du terrain ? Comme l’a rappelé l’Académie de médecine dans un rapport d’octobre 2017, la principale faiblesse de la santé scolaire tient à son manque d’effectifs. Alors que le nombre d’élèves s’est accru, que les missions des médecins de l’Education nationale se sont multipliées, leur nombre est passé de 1400 en 2006 à 1000 en 2016 (et on compterait seulement 7 600 infirmières de l’EN), pour 12 millions d’élèves de la maternelle au lycée. La conséquence : seulement 57 % des visites obligatoires à 6 ans seraient assurées en France, avec une variation de 0 à 90 % selon les départements.
Quand pauvreté rime avec santé
"La situation est catastrophique", s’émeut le docteur Chantal Sylvain, seul médecin scolaire de La Courneuve qui continue à exercer à 74 ans. "En Seine-Saint-Denis, seule la moitié des 50 postes de titulaires, représentant 18 équivalents temps plein, sont occupés" .... pour 340 000 élèves. Face à l’impossibilité d’assurer le bilan systématique à l’entrée du CP, on se contente d’examens à la demande des équipes enseignantes ou des signalements des infirmières. Malgré la vigilance des équipes éducatives, les dépistages et les Informations préoccupantes sont en-deçà de la réalité du terrain. Le manque de structures de prise en charge ne permet pas la mise en place précoce de soins ou d’étayage pour les troubles de l’apprentissage, pour nombre d’enfants en situation de précarité sociale ou vivant dans un environnement dégradé, ce qui aggrave les risques sanitaires et le non-recours aux soins. Karim Bacha, directeur d’une école élémentaire à l’Île Saint-Denis raconte : "Il n’est pas rare que des élèves restent plusieurs mois sans lunettes ou sans obtenir un rendez-vous chez l’orthophoniste. Mais ce qui fait le plus de dégâts sur la scolarité, c’est la non-prise en charge psychologique des élèves 'perturbateurs' . Il y a des mois d’attente, pour obtenir un premier rendez-vous dans un centre médico-psychologique. Souvent le «diagnostic » est posé seulement en CE2 alors que le signalement date de la moyenne section…", déplore-t-il. "Nous ne pouvons recevoir en consultation que les enfants repérés comme susceptibles d’avoir un problème grave de santé ou d’apprentissage ou, les enfants à besoins particuliers. Pour le reste, il faut développer le travail avec les partenaires, comme la PMI ou l’ARS", surenchérit le docteur Fabienne Gentil, conseillère technique auprès de la DSDEN93. Mais aussi avec les associations et les ONG, comme ATD Quart Monde et la Croix Rouge ou Médecins du Monde sans qui la situation serait bien pire quand les enfants scolarisés vivent dans des camps.