Riad Sattouf "L'arabe du futur V"

Mis à jour le 09.12.20

min de lecture

Il publie "l'Arabe du futur V" et nous raconte ce que l'école française lui a apporté

Riad Sattouf

Qu’est-ce qui vous a conduit à faire le récit de votre enfance ? Comment s’y prend-on pour le construire ?

Il m’a fallu de nombreuses années de maturation. Je pense au projet de l’Arabe du Futur depuis longtemps, mais c’est seulement après l’échec au box-office de mon second film Jacky au royaume des filles, que j’ai pu trouver le temps et l’énergie nécessaires pour le mener à bien. Mes livres se font un peu tout seuls, je dois bien l’admettre, il y a une grande part d’inconscient qui s’exprime lors du processus d’écriture. À moi de le mettre en forme, mais je contrôle assez peu de choses finalement. Il y a énormément d’improvisation.

Vous vous décrivez comme un enfant puis un adolescent peu sûr de lui ; quelle a été la clé de votre émancipation ? Est-ce cette fameuse prof de dessin dont vous parlez ?

Disons que cette prof a rendu les choses possibles dans ma tête, mais le désir de faire des livres était là déjà, de manière embryonnaire. Je me suis choisi une identité, ne pouvant concilier entre l’identité « syrienne musulmane paysanne » et « française bretonne ». Cette identité choisie a été l’identité « Auteur ». J’ai eu envie de rejoindre le continent des gens qui font des livres ! Je voulais être un de ces créateurs à son bureau, tourmenté par ses livres. 

Vous avez été à l’école en Syrie puis en France : cette double expérience vous donne-t-elle un regard particulier sur l’école ?

Oui certainement, l’école syrienne était très efficace, tout le monde savait lire et écrire en quelques années, et le niveau était assez bon en sciences, le niveau de math était très élevé. Mais hélas, cette école apprenait à obéir et pas à penser. Les élèves étaient tapés avec des bâtons, il y avait une discipline militaire très dure pourvoyeuse d’injustice. On trouve sur Youtube des vidéos filmées dans les classes en Syrie, avant la guerre, avec des élèves tabassés... L’école française était bien entendu plus douce, elle m’a montré des choses que je ne pouvais pas voir, m’a appris des choses sur le monde que ma classe sociale ne pouvait pas me permettre d’atteindre par moi-même ! L’ouverture à la création, à la littérature, à l’art, à la pensée, tout simplement. Remettre en cause les choses, douter de tout, examiner toutes les idées... Sans crainte. Essayer de penser n’était pas quelque chose qui puisse générer des menaces, c’était le but de l’éducation, je le ressentais ainsi.

Vous parlez volontiers de responsabilité par rapport à la liberté d’expression : quel sens ça peut avoir en termes d’éducation ?

La liberté d’expression et la liberté de penser qui existent en France, me semblent uniques et précieuses. La responsabilité dont je parle, est de simplement utiliser ces libertés, les faire fonctionner, encore et encore à chaque fois qu’elles sont menacées ou attaquées. Faire des livres, faire des œuvres, ne pas s’autocensurer, ne pas se laisser influencer par aucun courant idéologique, aucune pensée politique, aucun obscurantisme qui tenterait de contraindre ces libertés.

Écrire à la rédaction

Merci de renseigner/corriger les éléments suivants :

  • votre prénom n'a pas été saisi correctement
  • votre nom n'a pas été saisi correctement
  • votre adresse email n'a pas été saisie correctement
  • le sujet n'a pas été saisi correctement
  • votre message n'a pas été saisi correctement

Merci de votre message, nous reviendrons vers vous dès que possible