Répression policière
Mis à jour le 22.04.23
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Itv de Fabien Jobard, docteur en sciences politiques et directeur de recherches au CNRS
Fabien Jobard est docteur en sciences politiques et directeur de recherches au CNRS
La répression des manifestations, une stratégie politique ?
Le maintien de l’ordre en France relève d’un schéma national mis en œuvre par le préfet, représentant du gouvernement. C’est donc bien le politique qui définit la stratégie. À Sainte-Soline, la réponse disproportionnée est liée à une angoisse des mouvements d’occupation. Le désordre a été légitimé « quoi qu’il en coûte » avec des blessés et deux personnes entre la vie et la mort. Sur la réponse aux mobilisations post 49.3, le nombre d’enquêtes IGPN - Inspection générale de la police nationale - lancées ne laisse aucun doute sur une brutalité. Les unités interviennent à partir de leur formation, leur culture visant à faire face aux violences urbaines. Le gouvernement part du principe qu’une manifestation non déclarée est répréhensible avec intransigeance, contrairement à ce qu’indique la Cour européenne des droits de l’homme.
Quelles sont les conséquences possibles ?
La négation de la délibération parlementaire ne pouvait qu’amener certains manifestants à s’éloigner des cortèges classiques considérés alors comme inutiles. Dans tous les mouvements, des fractions sont favorables à une violence contre les biens. Mais les services d’ordre des organisations syndicales leur laissent peu d’opportunité. Il y a une diffusion du mouvement où quelques dizaines de personnes deviennent quelques centaines. Pour autant, nous restons sur des cavalcades dans les villes, des incendies de poubelles, des destructions de panneaux, loin d’une radicalisation vers une action armée. Sans commune mesure avec les violences de l’Allemagne des années 70 ou des années de plomb italiennes. En revanche, une translation du débat sur les retraites au profit de celui d’un retour à l’ordre, avec le risque d’un « pourrissement du mouvement » mal contrôlé, est une stratégie classique gouvernementale.
Cela cache-t-il une violence sociale ?
En effet, dans le cas de la réforme des retraites, les violences insidieuses sur le long terme, comme l’érosion de l’espérance de vie en bonne santé, sont difficiles à percevoir sans travail de documentation. Au contraire, le feu est un « spectacle » qui donne à voir des violences sociales envers la population qui, elles, sont moins apparentes mais plus durables. Manifestation est un mot religieux désignant la révélation de l’esprit Saint aux yeux des gens. Manifester c’est vouloir montrer ce qui est invisible.
