"Plus de coopération"
Mis à jour le 03.09.18
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Éric Charbonnier, analyste à l'OCDE, explique le lien entre réussite et valorisation des enseignants
Comment est reconnue la professionnalité des enseignants dans les autres pays ?
Les pays « performants » dans les enquêtes internationales sont ceux où les enseignants sont bien préparés et se sentent valorisés, pas seulement par le salaire mais aussi par une reconnaissance de la société. Lors de la dernière enquête Thalis, seuls 5 % des enseignants de collège en France s’estiment reconnus à leur juste valeur alors que la moyenne de l’OCDE est à 31 %. Dans ces pays on part du principe qu’enseigner ça s’apprend et que c’est un métier qui évolue. Ils misent sur des formations initiale et continue de qualité qui vont suivre ces évolutions. En formation initiale, on y mélange souvent savoir et savoir-faire et l’évaluation se fait d’abord sur la capacité pédagogique à transmettre le savoir. S’il n’y a pas de débat comme en France sur les méthodes pédagogiques, les enseignants conçoivent leur pédagogie dans un cadre qui identifie les leviers de réussite pour les étendre ailleurs.
Comment cela se passe-t-il sur le terrain?
La formation continue est beaucoup moins formelle. Elle se décline au sein des établissements et s’appuie sur une culture coopérative avec les collègues et les chefs d’établissement. En Finlande par exemple, il y a beaucoup d’observation et d’échanges sur ce qui fonctionne ou pas qui vont induire des actions de formation. Au Royaume-Uni, les chefs d’établissement proposent des expérimentations de 6 mois dans des établissements différents qui donnent lieu à des échanges sur les pratiques en place. Aux Pays-Bas et au Québec, les enseignants ont une grande liberté d’organiser la pédagogie comme ils le souhaitent mais ils doivent rendre des comptes. Dans beaucoup de pays, il existe des plate-formes numériques gouvernementales qui proposent des méthodes pédagogiques reconnues pour efficaces mais qui ont aussi l’aval de chercheurs en éducation. Elles sont aussi enrichies par les enseignants eux-mêmes. En Finlande, on offre dans le temps de travail des temps à l’université. C’est obligatoire et dans le statut des enseignants sur une semaine par an. Contrairement à la France où c’est avant tout la discipline et les fondamentaux, le retour à l’université apporte une approche plus globale du métier d’enseignant.
Quels leviers pour la France ?
Il faut développer la formation, tant initiale que continue. En France le concours est trop académique et la formation continue pas assez ciblée sur les besoins des enseignants. Il y a trop peu d’observation de pratiques, de partage et de coopération. Les établissements les plus difficiles devraient avoir des enseignants plus expérimentés. Ailleurs, les pays ont aussi misé sur une valorisation financière assez conséquente, une réduction des volumes horaires ou des avancements de carrière plus rapides. Ce sont des défis qui peuvent intéresser beaucoup d’enseignants mais il faut que les environnements pédagogiques soient plus sécurisants avec plus de moyens et des effectifs allégés.