Penser, dire, dicter

Mis à jour le 17.04.22

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"La dictée à l'adulte" met en cohérence les liens entre l'oral et l'écrit...décryptage

La dictée à l’adulte, loin d’être une activité évidente de l’école maternelle, met en cohérence les liens entre l’oral et l’écrit.

La dictée à l’adulte est une activité pédagogique connue des professeurs d’école maternelle qui permet aux élèves de produire oralement des énoncés dont l’écriture est prise en charge par l’enseignant•e. Inspirée des transcriptions des paroles d’élèves de la pédagogie Freinet, cette pratique devient un dispositif plus structuré suite aux travaux en linguistique de Laurence Lentin à la fin des années 70. Dès les orientations de 1986, puis dans les divers programmes de 1995 à 2015, la dictée à l’adulte est mise en avant par les textes institutionnels. Les attendus de fin de cycle 1 de 2021 rappellent à la fois l’objectif de « participer verbalement à la production d’un écrit » et de « savoir qu’on n’écrit pas comme on parle. » Les ressources Eduscol concernant « la mobilisation du langage dans toutes ses dimensions » précisent que « la dictée à l’adulte est l’activité la plus propre à mettre en évidence le passage de l’oral à l’écrit » et y consacrent un dossier spécifique d’accompagnement. Pourtant, malgré l’importance officielle qui lui est accordée, cette pratique, selon un rapport de l’Inspection générale de 2011, restait trop occasionnelle. Ce dernier notait que si les classes valorisaient les divers écrits, les élèves voyaient rarement écrire les adultes. Les effectifs élevés des classes, l’aspect chronophage, le manque de formation, la perception complexe de l’activité ou les pressions sur l’écriture autonome, en particulier avec un renforcement d’exercices de phonologie, peuvent expliquer la difficulté à développer cette activité. 

Des situations variées 

La dictée à l’adulte vise à amener progressivement l’enfant à comprendre les particularités de l’écrit. De tous les écrits : explicatifs, prescriptifs comme narratifs. Dans le cadre de projets d’écriture, grâce à la médiation de l’enseignant•e et aux interactions orales, les élèves deviennent auteurs et autrices. Commençant par des mises en mots ou de courtes phrases (légende de dessins ou de photos, listes, imagiers…), la pratique régulière permet d’aller vers des mises en texte (enchaînement de phrases pour légender, recettes, puis récits d’expérience, épisodes inventés d’une narration répétitive, créations d’histoires…). Sans figer l’activité qui varie selon le destinataire identifié au préalable, selon les types d’écrits, l’organisation en groupe ou individuelle, le développement des enfants, ces situations d’écriture authentiques se découpent souvent en trois étapes incontournables : un temps pour dire, un temps pour écrire sous dictée, un temps pour relire.

Des savoirs et savoir-faire complexes 

Au-delà d’une prise de conscience de la permanence de l’écrit, la dictée à l’adulte oblige à penser et ordonner en amont ce que l’on veut écrire. Elle implique une adaptation du débit de parole permettant de mesurer le temps d’écriture et le rapport entre l’oral et sa mise en signes. Elle donne à voir les caractéristiques propres de l’écrit, apprend la construction syntaxique et les différentes normes. Au fur et à mesure, une dimension métalinguistique s’installe grâce à l’enseignant•e qui commente la gestion de l’espace page, emploie des termes linguistiques (phrases, mots, lettres…) ou insiste sur la ponctuation. Parfois même, pour les plus grands, un mot référent de la classe peut être donné à écrire par un élève, un autre peut être épelé ou encodé ensemble. La multitude de gestes professionnels est ainsi déterminante pour accompagner les élèves dans la découverte de formes discursives singulières, de plus en plus élaborées.

FsC 481 Décryptage dictée à l'adulte

GÉRALDINE VIGIÉ est conseillère pédagogique référente français, circonscription de Libourne 2

FsC 481 Décryptage dictée à l'adulte Géraldine Vigié

Quels apprentissages la dictée à l'adulte favorise-telle ? 

Il s’agit d’une activité langagière orale essentielle qui est au service du discours et de la pensée. La planification orale du contenu du message ou du texte en amont permet l’élaboration des idées et leur organisation. L’enseignante, en prenant en charge le geste graphique, l’orthographe, la gestion du support et des outils, autorise l’élève à devenir producteur de textes. Ce dernier devient ainsi auteur responsable de la production s’écrivant sous ses yeux et sous son contrôle. La négociation d’un énoncé écrivable et l’écriture proprement dite via la dictée portent sur les négociations des significations. Les contenus et les ajustements langagiers permettent de distinguer les codes de l’oral de ceux de l’écrit et favorisent la construction de concepts linguistiques tels le mot ou la phrase. 

La phase de relecture est-elle importante ?  

Les multiples relectures en cours d’écriture par l’enseignante mais aussi par les élèves eux-mêmes, en pointant les mots, inscrivent l’auteur-apprenant dans un nouveau statut, celui d’auditeur. L’élève reçoit son propre texte et élabore les liens de l’écrit vers l’oral. Par ces relectures, l’élève commence à vérifier la cohésion du texte écrit au regard de la planification élaborée au départ. La relecture finale et le repérage des mots au sein du texte produit par les élèves leur servent à construire des stratégies de repérage dans l’écrit, tant au niveau de la forme que du contenu. 

Quel est le rôle de l'enseignant.e ? 

Un étayage soutenu et explicite est absolument nécessaire. Il s’agit à la fois d’enrôler tous les élèves par le tissage entre le projet d’écriture et les destinataires et de maintenir et guider l’attention des élèves en fonction du mobile, du genre de texte et de la finalité de chacune des phases. Souligner les procédures, les caractéristiques, les nouvelles connaissances… Pour mener cette activité, il est nécessaire d’en clarifier les objectifs, son intérêt réside particulièrement dans les stratégies mises en œuvre et les mobilisations de différentes habiletés que l’enseignante étaye et donne à voir. Plus que dans le texte final produit.

 
AU-DELA DU CYCLE 1

L’intérêt le plus flagrant de la dictée à l’adulte est de faire écrire des enfants ne sachant pas encore « graphier » en les mettant dans une posture de scripteur. Pourtant, sauf à penser que la structuration de l’écrit est chose acquise en fin de cycle 1, cette activité peut tout à fait s’étendre à l’élémentaire. L’identification du destinataire, les caractéristiques du type de texte attendu, la détermination du contenu, l’organisation des propos et leur formulation scripturale continuent d’être des défis d’apprentissage. Construire collectivement un brouillon lors d’une phase orale préalable, se focaliser sur la rédaction du texte grâce à la médiatisation de l’adulte et à la prise en charge de l’encodage et de l’orthographe (totalement ou partiellement), puis relire, corriger, enrichir la production devrait pouvoir s’envisager bien au-delà de l’école maternelle… Pour Bertrand Daunay, professeur en sciences de l’éducation, l’objectif de la dictée à l’adulte est double : « il s’agit d’aider les élèves à la production d’un texte donné, mais aussi de favoriser, par les interactions et la verbalisation des démarches effectuées, le développement de compétences cognitives et métacognitives dans le domaine de la maîtrise de l’écrit, dans tous les sens du terme, de la maternelle à l’université.»

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