Orthographe : quelle place ?
Mis à jour le 24.05.23
min de lecture
Itv de Catherine Brissaud, linguiste et didacticienne, université Grenoble Alpes
Catherine Brissaud est linguiste et didacticienne à l'Université Grenoble Alpes.
L'apprentissage de l'orthographe a-t-il une temporalité particulière ?
Les recherches ont montré qu’il faut au moins dix ans pour acquérir l’orthographe. Les élèves continuent à l’apprendre jusqu’à la fi n du collège, voire du lycée. Parce qu’il est complexe et long, cet apprentissage nécessite un véritable travail d’équipe pour établir des progressions, s’organiser sur les cinq années, fixer des priorités pour ne pas tout aborder en même temps. Cette temporalité rend aussi difficile la perception des progrès des élèves. Des outils communs sur une école, la même phrase dictée chaque année par exemple, permettent de rendre visibles les progrès et de mener une évaluation positive.
Quelles priorités dans son enseignement ?
On devrait se focaliser sur les élèves les moins avancés et leur donner la parole pour qu’ils expliquent leurs choix. Le statut accordé à l’erreur est important car il permet de reconnaître que l’on est face à un apprentissage complexe. L’erreur renseigne sur la compréhension du système par l’élève. Derrière elle peut aussi se cacher un progrès. « Ils prennes » contient une erreur qu’il faudra travailler mais montre que l’élève a compris qu’il fallait mettre une marque de pluriel au verbe. Habituer aussi très tôt les élèves à utiliser le métalangage les fait progresser. Faire employer dès le CP les termes « verbe », « féminin », « masculin », « pluriel », « accord » aide à parler du fonctionnement de la langue et à gagner en abstraction. Quand le PE emploie les mots de la grammaire, il a un rôle modélisant, il donne à voir comment il réfl échit. Il convient aussi d’insister sur ce qui est central dans le système, les régularités, les marques les plus fréquentes avant d’aborder les périphériques. Par exemple, en priorisant le « s », marque du pluriel nominal dans 95 % des cas, avant le « x ».
Des pistes à mettre en œuvre ?
Les règles sont souvent connues mais leur mise en œuvre est difficile. La marche entre les exercices et la production d’écrit est trop importante. Dès le CP, on peut proposer aux élèves d’écrire des textes courts ciblés sur une difficulté orthographique identifiée. La tâche cognitive doit être allégée au début. Fournir le vocabulaire, les verbes, produire le texte à l’oral ensemble aide à se concentrer sur la question orthographique. Une courte phrase dictée bien ciblée, en fonction d’erreurs récurrentes, est un outil pour mettre en avant les raisonnements des élèves, donner la parole sur les choix graphiques pour telle difficulté, en discuter. Une autre piste est de travailler à partir de corpus, c’est-à-dire d’ensemble de mots, groupes de mots ou phrases bien choisis pour que les élèves arrivent à conceptualiser un phénomène linguistique. Cela peut être une activité de tri de verbes conjugués au présent pour mettre en avant la fréquence des terminaisons en « e » ou « t ». Ce genre de dispositif les engage et les met en réflexion.