Numérique et @pprentissages scolaires

Mis à jour le 05.01.21

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En quoi le numérique peut-il bénéficier aux apprentissages scolaires ? Une étude du CNESCO...

En quoi le numérique peut-il bénéficier aux apprentissages scolaires ? C’est une question récurrente à laquelle une recherche récente menée par le CNESCO* vient apporter quelques réponses.

« La période de confinement a obligé à travailler différemment et a changé les manières d’apprendre. Nous avons réussi le défi de l’enseignement à distance ». Ces belles paroles prononcées par le ministre de l’Éducation nationale à l’occasion de l’ouverture des États généraux du numérique en novembre n’ont pas fini d’être raillées à la pause-café des cours de récréation tant elles sont éloignées des réalités lorsque l’école s’est trouvée brutalement mise à distance. Mais elle vient surtout renforcer une sorte d’image d’Épinal, celle d’un outil numérique qui aurait des accents magiques en termes d’apprentissages scolaires. Manque de bol ou fait exprès, un rapport du CNESCO, dorénavant rattaché au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et paru au mois d’octobre vient largement modérer cet enthousiasme d’un outil forcément bénéfique pour les élèves. Deux années de recherche, conduites en collaboration avec une douzaine de chercheurs multidisciplinaires, ont donné lieu à la publication de neuf contributions scientifiques et d’un rapport d’étude du CNESCO, dirigé par le chercheur et psychologue André Tricot. La recherche démarrée bien avant la période sous Covid s’est attachée à observer les usages réels que font les enseignants et enseignantes des outils numériques et a également cherché à évaluer « la valeur ajoutée réelle pour les apprentissages scolaires ».

Des résultats contrastés

À cette question, la littérature de recherche semble plutôt répondre par un « ça dépend ». Le numérique remplit « plus aisément certaines fonctions pédagogiques pour présenter ou rechercher de l’information, produire un texte ou encore évaluer les élèves », notent les auteurs. Mais ils constatent également qu’il a plutôt « des effets négatifs en matière d’apprentissage de la lecture ou encore pour des activités de compréhension, la découverte de notions abstraites ou encore le développement de la coopération ».
Les chercheurs observent également « qu’une grande majorité des enseignants pensent encore que le numérique améliore la motivation des élèves, alors même que les résultats de la recherche sont justement très décevants sur ce point ». Aussi le rapport conclut que « le numérique offre un ensemble d’outils mais pas LA solution qui déterminerait à elle seule les résultats d’un enseignement ». « C’est avant tout, rapportent les chercheurs à la lumière de leurs observations, le scénario pédagogique qui importe. C’est-à-dire l’insertion pertinente de l’usage d’un outil numérique au bon moment, pour une durée appropriée dans une stratégie d’enseignement pour des élèves donnés et dans un objectif précis ». Enfin, si certains de ces outils peuvent « constituer des appuis efficaces en termes de diagnostic, d’entraînement ou de feedback, ils ne peuvent le provoquer seuls comme l’a montré l’enseignement à distance pendant la période de confinement », constatent les auteurs.
* CNESCO : Centre national d’étude des systèmes scolaires.

Rayou

Interview de Patrick Rayou, professeur des universités émérite, université Paris-VIII.

Le confinement fut un grand bain du numérique pour les enseignants et les familles. Quelle analyse en faites-vous ?

La période a révélé des différences spectaculaires dans les équipements. Quand on n’a qu’un seul ordinateur dans la famille, voire uniquement un téléphone pour pouvoir lire et renvoyer des devoirs, ce n’est pas une situation propice. Et puis être natif du numérique ne prédispose pas nécessairement les élèves à une utilisation scolaire de ces outils, mais suppose une autonomie requise, notamment dans les attendus scolaires. La distance exceptionnelle du confinement a plutôt révélé des distances ordinaires qui existent dans les apprentissages en particulier pour les élèves des milieux populaires. Du côté des enseignants, il a fallu du jour au lendemain tenter de rendre ce numérique pédagogiquement efficace et ils se sont vite rendu compte que l’étayage possible en classe était là à réinventer sous bien d’autres formes. Enseigner avec le numérique cela s’apprend et ce chantier reste complètement ouvert.

L’école à distance a-t-elle permis de couvrir tous les domaines d’apprentissage ?

De fait, des disciplines qu’on n’attendait pas comme l’EPS ou l’éducation musicale ont eu un boulevard et cela a permis à bien des familles de les découvrir. Les ressources en ligne sont nombreuses, mais les enseignants se sont aussi sentis obligés d’assurer, de donner beaucoup, parfois trop, voire de recentrer sur des « fondamentaux » par gage de sérieux envers les familles. Mais c’est finalement beaucoup sur la capacité à se mettre au travail et d’y rester, de continuer d’avoir un cadre scolaire que l’attention des enseignants et des familles s’est assez vite recentrée. Recréer un cadre scolaire garant de l’autonomie a été une obligation et les enseignants se sont parfois autorisés à intervenir dans la sphère privée, par téléphone, pour prendre des nouvelles et tenter de maintenir l’attention sur les activités scolaires. Des rapports qui ont été loués par les familles.

L’école d’après sera-t-elle numérique ?

Évidemment non. Que le numérique soit de plus en plus utilisé, bien sûr, mais cela ne remplacera jamais l’école. Avec une école numérique à distance, les parents passent de la périphérie au centre sur les questions scolaires et l’expérience qu’ils ont vécue ne les incite pas à pérenniser la situation dans la plupart des cas. Par contre, le numérique peut faciliter l’ouverture de la classe. Avec un clavier, n’importe quel gamin accède à la connaissance du monde et le rôle de l’école reste de transformer les objets du monde en objets scolaires. Car le mode d’emploi n’est pas dans l’outil. Le savoir n’est pas seulement là et transparent, il demande décryptage. Aussi le numérique interroge l’école qui doit redéfinir et consolider son rôle de mise à disposition des savoirs.

décryptage numérique

Parole de professionnels

Alors que les États généraux du numérique ont essentiellement consisté à réunir entre eux des spécialistes de la question, la FSU a souhaité donner la parole au terrain. 88 % des personnes qui ont répondu à l’enquête estiment que « le numérique fait partie de leur quotidien professionnel », mais plus de 47 % d’entre elles précisent que ces outils ne répondent pas à leurs besoins, notamment sur le plan administratif. Un résultat qui en dit long sur l’inadéquation avec les besoins du terrain.
À la question posée, « considérez-vous que le numérique facilite les échanges et la communication ? », 69 % des PE répondent positivement pour ce qui concerne les relations d’équipe, 61 % pour les communications avec la hiérarchie, mais seulement 55% le jugent facilitateur dans la communication aux familles ou encore 30 % d’entre eux pour les relations aux élèves. Plus de 52 % des PE interrogés utilisent leur équipement numérique personnel pour le travail, y compris sur le lieu de travail et près de 88 % des répondants déclarent utiliser chez eux leur équipement pour le travail. Des réponses qui viennent étayer la forte porosité observée entre les sphères du privé et du travail avec le développement du numérique. L’enquête complète à retrouver sur FSU.fr

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