Normalisation des pratiques

Mis à jour le 24.11.22

min de lecture

Itv de Christian Maroy

"Une tendance à la normalisation des pratiques"

Christian Maroy est professeur de sociologie à l'université de Louvain, chercheur au GIRSEF. Il est l’auteur de « L'école québécoise à l'épreuve de la gestion axée sur les résultats. Sociologie de la mise en œuvre d'une politique néo-libérale », Hermann
(2021)

FsC 486 Pilotage Christian Maroy

Qu'est-ce que le pilotage par les résultats ? 

Il se base sur deux grands principes : d’une part, donner une autonomie de gestion aux établissements sur le plan pédagogique et
celui des personnels, et d’autre part, devoir rendre des comptes par rapport à des objectifs chiffrés et plus largement une « responsabilisation » par rapport à leur efficacité. Les établissements sont dotés d’une contractualisation ou planification d’objectifs, généraux et particuliers à leur contexte. Sur la base d'une évaluation externe des résultats effectifs, des conséquences en termes de soutien ou de sanctions positive ou négative, peuvent être enclenchées. C’est une transposition au système éducatif du nouveau management public.

Avec quelles conséquences ? 

Elles varient selon que le système est à forts enjeux, avec des sanctions ou pas. Au Texas, après plusieurs évaluations négatives, la direction, voire l’école, sont remplacées. En Angleterre, des primes, individuelles ou collectives, sont attribuées aux écoles qui « performent ». France et Belgique ont des systèmes de responsabilisation douce. On y fait appel à la responsabilité professionnelle pour mobiliser et améliorer les résultats, en invoquant une finalité « noble » comme la réduction des inégalités scolaires. Au Québec, un système de responsabilisation réflexive articule contrôle et accompagnement. On y observe, comme dans les systèmes avec sanction une tendance à réduire les enseignements aux contenus évalués et au « bachotage ». Cela peut aller jusqu’au filtrage en amont des élèves qui présentent les examens. La responsabilisation douce peut ne pas produire ces effets, du fait de la capacité des équipes pédagogiques à « découpler » la politique éducative et le fonctionnement des écoles.

“Ce qui domine chez les personnels, c’est un sentiment diffus de surveillance, qui fragilise
la reconnaissance et peut occasionner de la fatigue professionnelle.”

Et sur la professionnalité enseignante ? 

Au Québec s’installe un grignotage de l’autonomie professionnelle. Les enseignants sont incités à se centrer sur les contenus et compétences évaluées par le ministère, à adopter ses critères d’évaluation et les progressions didactiques suggérées. Ce phénomène est très lent et ne s’instaure pas de manière brutale. Deuxième effet, une tendance à la normalisation des pratiques avec moins de créativité, de contextualisation, car le système pousse surtout à améliorer les « moyennes ». Un travail réflexif collectif avec les enseignants est certes engagé par les directions pour répondre concrètement aux problèmes de performance détectés par le suivi statistique des résultats. Les moyens les plus « efficaces » pour améliorer les apprentissages sont aussi suggérés sur la base de la recherche considérée comme « probante ». En définitive, la gestion axée sur les résultats favorise une gestion de la pédagogie plus encadrée et intrusive. À l’inverse du discours enchanté vantant le « leadership » pédagogique local, les enseignants ressentent une perte d’autonomie et une emprise plus forte sur leur travail. Comme l’efficacité globale est discutable, sans amélioration durable des résultats, ce qui domine chez les personnels, c’est un sentiment diffus de surveillance, qui fragilise la reconnaissance et peut occasionner de la fatigue professionnelle, même chez les enseignants qui adhèrent à ce mode de gestion.

Que dire de 'L'école du futur" ? 

Elle se fonde sur plus d’autonomie donnée aux écoles, tendance antérieure au pilotage par les résultats. Mais cette autonomie est de plus en plus associée à la responsabilisation et à la reddition de comptes. Ces politiques se mettent en œuvre sur le long terme et peuvent alors se rapprocher d’un pilotage par les résultats plus clair. Il faut apprécier avec quoi l’autonomie s’articule : gestion des personnels avec sanctions ou pas, libéralisation du marché scolaire ou sectorisation socialement mixte ? Sachant que l’autonomie peut recouvrir une dimension positive quand elle offre des marges de manœuvre, appropriées par les équipes enseignantes, dans un cadre non ségrégatif.

Écrire à la rédaction

Merci de renseigner/corriger les éléments suivants :

  • votre prénom n'a pas été saisi correctement
  • votre nom n'a pas été saisi correctement
  • votre adresse email n'a pas été saisie correctement
  • le sujet n'a pas été saisi correctement
  • votre message n'a pas été saisi correctement

Merci de votre message, nous reviendrons vers vous dès que possible