Maternelle "recentrée"
Mis à jour le 22.03.23
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Itv de Pascale Garnier, prof. sciences de l'éducation, qui fustige les orientations du MEN
Pascale Garnier est professeure en sciences de l’éducation, laboratoire Experice, université Sorbonne Paris Nord.
Quelles orientations se dégagent des notes de service du ministère sur la Maternelle ?
C’est celle du recentrage sur les apprentissages fondamentaux, maths et français, et plus précisément sur les apprentissages numériques et en maîtrise de la langue, sur la phonologie et le vocabulaire. Ces recentrages conduisent à des apprentissages de plus en plus pointillistes, de plus en plus technicisés qui s’éloignent considérablement des apprentissages de type culturel, même si la distinction entre les deux est à manier avec précaution. Le vocabulaire y est détaché de son contexte linguistique, de la communication vraie. Ce n’est pas comme ça qu’on maîtrise l’oral, tous les apprentissages du langage oral s’appuient même chez les adultes sur la part non verbale du langage.
Quelle conception de l'évaluation ?
Les évaluations de CP sont la fin de l’école maternelle, au double sens du terme : en tant que finalité et en tant qu’aboutissement. Il s’agit d’une vision très propédeutique de l’école maternelle. On évalue des quantités de mots, des quantités de sons... et tout ce qui est plus complexe est passé à la trappe. L’évaluation est pourtant très importante, très construite s’il ne s’agit pas de cases à cocher, mais elle doit s’ancrer sur la singularité des situations qui sont proposées. Dans le programme de 2015, il y avait cette volonté de prendre davantage en compte les missions d’éducation, d’accueil des enfants et de valoriser tous les apprentissages comme concourant à l’éducation globale de l’enfant et non pas uniquement dans leurs dimensions d’instruction et de transmission.
Pourquoi associer "réussite et épanouissement" ?
Plus on recentre sur les apprentissages fondamentaux, plus on doit faire apparaître autre chose qui sera flou, général, non évaluable comme l’idée d’épanouissement, de bien-être ou de plaisir. Il s’agit d’une logique de compensation, de dichotomie alors que le vrai équilibre pour l’enfant est d’apprendre, de manière formelle ou informelle, et de développer sa capacité d’agir à travers ses apprentissages. Avoir des prises sur son environnement, c’est cela qui rend heureux. On observe de l’appétit chez les enseignants et enseignantes qui remettent en cause ces orientations ministérielles dans leurs pratiques et un besoin de redéfinir l’identité du métier enseignant en maternelle.