Maternelle
Mis à jour le 09.11.23
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Une école à hauteur d’enfant
Face à la pression sociale et aux injonctions de toutes sortes, les notions de performances et de résultats ne devraient pas avoir leur place à « l’école première ». L’enfant a besoin de sécurité affective, de temps, d’espace et d’explorations pour faire ses premiers pas dans les apprentissages scolaires.
Représentant souvent le lieu de la première séparation d’avec le milieu familial, l’école maternelle constitue « une étape fondamentale dans la vie de l’enfant, un élargissement de son espace social ». Ce cycle unique, qui scolarise aujourd’hui plus de 2 millions d’élèves âgés de 2 à 6 ans, est fréquemment qualifié « d’école première ». C’est en maternelle, en effet, que l’enfant va devoir
entrer dans des apprentissages « secondarisés » – c’est-à-dire dépasser la simple réalisation de la tâche pour y mettre du sens – construire un langage de la pensée ainsi que des repères dans l’espace et le temps, affiner sa motricité et découvrir ou approfondir le rapport aux autres et au monde qui l’entoure. Si enseignants et enseignantes sont en première ligne pour porter une école maternelle structurée autour d’organisations et d’activités singulières permettant une visée émancipatrice – éducabilité de tous les élèves, respect du rythme de développement, maintien de l’évaluation positive et bienveillante, place importante accordée au jeu…– de récentes injonctions ministérielles tentent de battre en brèche les objectifs des programmes assignés aux premières années du parcours scolaire.
“À cet âge, les enfants ont besoin de changer de position, de se déplacer,
parfois même de se défouler pour apprendre".
Le plan maternelle de janvier 2023 met en avant des apprentissages dits fondamentaux en français et mathématiques comme en élémentaire et veut donner une place forte à l’analyse des évaluations CP dans le pilotage du cycle 1. Risquant ainsi de faire de la maternelle une simple antichambre de l’école élémentaire. Pour Eve Leleu-Galland, docteure en sciences humaines, la maternelle constitue avant tout « un univers de vie sécurisant, permettant une acculturation progressive. Ce préalable est incontournable pour entrer dans les apprentissages. Une appropriation sur trois ans de cette microsociété particulière est nécessaire pour aller vers les missions de vivre ensemble et de faire apprendre qui constituent la finalité de l’école ».
Des jeux et des expérimentations
Si l’enfant a besoin de trouver en classe un cadre sécurisant et bienveillant dans lequel l’adulte (PE et Atsem, Agents et agentes territoriales spécialisées des écoles maternelles) apparaît comme une figure de confiance protectrice et disponible en cas de besoin, il doit également pouvoir s’appuyer sur des outils spécifiques lors des premiers apprentissages. Dans ce contexte, le jeu y tient une place incontournable. « Pour le développement de l’enfant, jouer est essentiel, en particulier entre 3 et 8 ans, témoigne Anne Clerc-Georgy, professeure à la Haute école pédagogique du canton de Vaud (Suisse). Le tout petit commence à explorer le monde en réaction avec l’environnement qu’on lui propose. Il développe sa métacognition en guidant ses jeux et en planifiant des scénarios. L’école, qui a toujours fait une place au jeu, doit aujourd’hui " apprendre aux enfants à jouer " ». L’élève de maternelle doit également apprendre à devenir progressivement autonome et trouver le goût d’apprendre, en particulier par l’exploration. À Maxéville (Meurthe-et-Moselle), l’équipe pédagogique de la maternelle Saint-Exupéry a choisi de réorganiser les espaces pédagogiques en pôles d’activité. Ces derniers « permettent de découvrir, expérimenter, chercher, verbaliser, apprendre et comprendre » témoigne Isabelle Telliez, la directrice.
Besoin de bouger
Une autre démarche a été engagée à Chaumont (Haute-Marne) où les PE de la maternelle Voltaire Moulin ont repensé l’aménagement et le fonctionnement de l’école pour répondre au besoin de bouger des élèves. « À cet âge, les enfants ont besoin de changer de position, de se déplacer, parfois même de se défouler pour apprendre, souligne France-Yseult Saintot, maîtresse formatrice. C’est un besoin aussi essentiel que le sommeil ou l’hydratation ». Ainsi, les enseignant·es « créent des environnements incitant les enfants à oser découvrir et à progresser en toute confiance, selon Eve Leleu-Galland. Faire perdurer cette fonction de lieu de « bonheur » pour en faire ce plaisir d’apprendre ensemble est indispensable ».
Une évaluation sur mesure
En maternelle, si le nombre des attendus de fin de cycle a augmenté dans les programmes de 2021, l’évaluation positive a été réaffirmée. Loin de la standardisation des évaluations nationales, elle se base sur une observation régulière des élèves en train d’apprendre et permet de valoriser les progrès accomplis par chaque élève. « Montrer à l’enfant qu’il est en train d’apprendre, en ayant un regard positif sur lui, lui restitue une image positive de lui-même », explique Sylvie Plane (Colloque de la FSU-SNUipp «Voir grand pour les petits », juin 2021) professeure en science du langage. Les outils pour le faire sont laissés à la main des équipes enseignantes. Les carnets de suivi des apprentissages permettent de montrer les progrès aux familles.
Le sommaire du dossier :
- La sécurité affective, un préalable indispensable : la maternelle est un lieu d'apprentissage mais avant que l'enfant puisse se lancer dans cette belle aventure, l'école doit répondre à son besoin de sécurité.
- Des pôles pour expérimenter : reportage à la maternelle Saint-Exupéry de Maxéville (Meurthe-et-Moselle) où la réorganisation de l'école permet une entrée dans les apprentissages tenant compte du besoin de découverte.
- Le jeu à la maternelle : interview d'Anne Clerc-Georgy, professeure à la Haute école pédagogique du canton de Vaud (Suisse)
- Investir tous les espaces : dans l'école maternelle Voltaire Moulin à Chaumont (Haute-Marne), l'aménagement et le fonctionnement de l'école ont été repensés pour répondre au besoin de gouger des élèves
- « Les messages de précocité sont inquiétants » : interview d'Eve Leleu-Galland, docteure en sciences humaines