Lutter contre les violences sexuelles et sexistes

Mis à jour le 29.11.24

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Mettre en place une politique globale de lutte contre les discriminations

Valérie Rey-Robert, essayiste, spécialiste des violences sexistes et sexuelles, de la culture du viol et du sexisme dans la culture populaire.

Valérie Rey-Robert

AVEC LE PROCÈS DES VIOLS À MAZAN, LE CONCEPT DE CULTURE DU VIOL EST MIS EN AVANT, POU-VEZ-VOUS LE DÉFINIR ?

VALÉRIE REY-ROBERT : Le mot culture est pris dans le sens sociologique et anthropologique du terme, c’est-à-dire une transmission de valeurs, d’idées, de génération en génération, qui évolue avec le temps et imprègne tous les domaines de la société. La culture du viol est l’ensemble des idées reçues sur les violences sexuelles, les violeurs et les victimes elles-mêmes. Par exemple, c’est penser que le viol est plus souvent commis par un inconnu, un homme non inséré dans la société, sans vie sexuelle, que ce n’est pas « monsieur tout le monde » ou encore c’est considérer que les femmes mentiraient au sujet du viol. La culture du viol est l’enfant du sexisme, c’est-à-dire la manière dont la société voit le rôle des hommes et des femmes, une division sexuée de la société qui alimente les inégalités femmes-hommes. Le sexisme est lui-même l’enfant du patriarcat, une société où les femmes ont moins de droits que les hommes. Des idées reçues qui concourent invariablement à déculpabiliser les violeurs et à culpabiliser les victimes entretenant un climat d’impunité pour les violeurs.

ÊTES-VOUS OPTIMISTE CONCERNANT LA PRISE DE CONSCIENCE PAR LA SOCIÉTÉ DES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES SUBIES PAR LES FEMMES ?

V.R-R. : Être optimiste est très difficile. La France, lors des élections législatives, a beaucoup voté pour un parti d’extrême droite qui historiquement ne s’intéresse pas aux droits des femmes et n’a jamais lutté contre les violences sexuelles. Les quinquennats Macron n’ont pas été non plus marqués par de profondes évolutions sur le sujet. Par ailleurs, jour après jour, des hommes accusés de violences sexuelles bénéficient d’un climat d’impunité. Cependant, il est vrai qu’il y a eu des évolutions. Toutes les personnes chargées de s’occuper des victimes de violences sexuelles sont mieux formées au sujet. On voit beaucoup moins de victimes traînées dans la boue lors des procès. Les idées reçues sur la culture du viol évoluent, comme typiquement le viol conjugal qui a été reconnu par une loi en 1991.

“Le maintien des rôles genrés traditionnels se fait dès le plus jeune âge à travers l’éducation”

COMMENT EXPLIQUER LA TRANSMISSION DU SEXISME ET DES STÉRÉOTYPES DE GENRE, Y COMPRIS À L’ÉCOLE ?

V.R-R. : Le maintien des rôles genrés traditionnels se fait dès le plus jeune âge à travers l’éducation : la prise en compte différente des émotions selon que l’on soit garçon ou fille. Une fille doit être calme, un garçon, lui, est excusé s’il est remuant ou bagarreur, voire incité à l’être. Les jouets proposés ne sont pas les mêmes, etc. À l’école, cela se traduit par des comportements sexistes inconscients de la part des personnels enseignants. Par exemple, les filles vont être beaucoup moins interrogées, moins longtemps, il va leur être demandé de plus se taire. Lorsque les garçons auront besoin d’aide, les filles seront davantage sollicitées. Les enseignants vont avoir aussi des stéréotypes sur les matières : les filles seraient meilleures en français, moins bonnes en maths, etc. L’espace est aussi beaucoup plus dédié aux garçons avec, par exemple, le marquage au sol de terrains de foot dans les cours de récré.

COMMENT L’ÉCOLE PEUT-ELLE PARTICIPER À LEUR DÉCONSTRUCTION ?

V.R-R. : Repenser la récréation pour que les filles puissent occuper autant l’espace que les garçons car la place que l’on occupe dans l’espace est aussi synonyme de la place que l’on a dans la société. Il faudrait mettre en œuvre une politique globale de lutte contre les discriminations dès le plus jeune âge et pas seulement des cours d’éducation au non consentement car la culture du viol s’alimente aussi de préjugés racistes, homophobes... Il faudrait davantage de formation aux luttes contre les discriminations. Il faudrait également interroger régulièrement ses pratiques : ai-je bien eu un comportement indifférencié avec les garçons et les filles ? Faire attention au choix des manuels scolaires, aux jeux pratiqués, aux histoires lues… Enfin, ne pas minimiser quand les garçons viennent embêter les filles aux toilettes, ni les agressions sexuelles entre enfants. Car si un enfant commet des agressions sexuelles sur un autre enfant, c’est que très probablement il a assisté à des choses auxquelles il n’aurait pas dû assister et les reproduit ou bien qu’il est lui-même victime de violences sexuelles.

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