Le vote d'extrême droite
Mis à jour le 16.04.22
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Interview d'Ugo Palheta, sociologue et maître de conférence à l'Université de Lille
UGO PALHETA est sociologue, maître de conférences à l’université de Lille, co-auteur de "La possibilité du fascisme" (La découverte, 2018)
Le vote RN est-il un danger ?
Oui, il est un danger et même un danger mortel. À chaque fois, l’extrême droite a remis en cause les fondements même de la démocratie. Il faut bien avoir en tête qu’aucun parti d’extrême droite arrivé au pouvoir n’avait annoncé explicitement ce qu’il comptait faire réellement. On ne peut donc pas réduire le projet du RN à son programme. Cependant, si on le lit, on s’apercevra que non seulement il n’a pas changé dans ses aspects principaux et qu’il n’est pas fondamentalement différent de celui d’Éric Zemmour. Le FN a changé de nom, mais rien n’a changé sur le fond.
Quelles régressions démocratiques porte-t-il ?
Les régressions ne porteraient pas principalement sur les institutions politiques. Elles se situeraient sur le terrain des droits et en premier lieu des droits des minorités religieuses, ethno-raciales mais aussi de genre et sexuelles. On sait que les musulmans et les musulmanes sont et seront fortement ciblés. L’autre point sur lequel il faut insister sont les droits des travailleurs : droit de grève et droit des syndicats notamment. Les syndicats ont toujours été dans le viseur de tous les partis d’extrême droite. À chaque fois que l’extrême droite arrive au pouvoir, ils sont attaqués puis écrasés. Pour satisfaire sa base électorale, il y aura nécessairement une logique de surenchère par rapport à ce qui a déjà été fait à l’encontre des exilé•es, des minorités et du mouvement social. Ça débute par les groupes stigmatisés pour s’étendre à ceux considérés comme leurs alliés : associations, syndicats, partis de gauche.
Et en matière d’éducation ?
Le RN n’a renoncé à rien de sa vision du monde réactionnaire et inégalitaire. Marine Le Pen souhaite, par exemple, une rupture avec le collège unique et la mise en place de l’orientation professionnelle dès la classe de 5e, qui aboutirait à encore plus d’inégalités qu’aujourd’hui. Le RN veut également rompre avec l’éducation prioritaire, et plus largement avec toute logique de dispositifs compensatoires des inégalités sociales en matière scolaire. Il y a également une volonté de réécrire les programmes scolaires, en particulier pour l’histoire et l’EMC, et revenir à un « roman national » qui déploie une vision apologétique de la nation française pour mieux favoriser le chauvinisme et le nationalisme conquérant qui est la marque de fabrique de l’extrême droite.