Le sourire aux lèvres
Mis à jour le 20.06.23
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Portrait de Claire....sur le départ
Après 41 ans comme institutrice puis professeur des écoles, Claire Hollebecque part à la retraite à la fin du mois.
Claire Hollebecque se voyait professeure d’EPS mais, du jour au lendemain, on lui propose, en octobre 1982, de prendre une classe comme institutrice. Elle devra patienter trois ans pour avoir une formation. Dans l’attente, elle a dû se débrouiller, bricoler. « C’est sûr qu’avec une formation, j’aurais progressé plus vite et j’aurais eu plus confiance en moi, reconnaît-elle. Heureusement, j’ai été soutenue par mes collègues. »Lorsqu’elle revient sur sa carrière, cette enseignante, directrice de l’école Marcel Pagnol à Argentan dans l’Orne, se rappelle la professionnalisation progressive des ATSEM (agent territorial spécialisé des écoles maternelles) ou l’arrivée des AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) et l’évolution de leurs missions. Mais elle relève aussi des changements importants dans son propre métier. « Quand j’ai débuté, les cycles n’existaient pas, rappelle-t-elle. Chacun s’occupait des élèves sur une année seulement. Maintenant, on les considère sur un temps plus long, ça a changé notre manière d’aborder leur parcours scolaire et nous a amenés à travailler en équipe et à sortir de la solitude de nos classes. » Mais le plus grand changement est dû à la loi sur le handicap de 2005. « Je n’ai pas de souvenir d’orthophonistes, de psychomotriciennes ou d’équipes de suivi au début de ma carrière, souligne Claire. On avait parfois un élève en grande difficulté et la réflexion se cantonnait souvent à savoir s’il redoublait ou pas. On ne se posait pas non plus la question de la scolarisation de tous. Maintenant, c’est un volet quotidien du travail en classe. »
Un métier qui s'est complexifié
Ces évolutions étaient souhaitables, selon elle, mais elles peuvent aussi engendrer de la souffrance au travail. « Nous avons désormais conscience que nous ne pouvons pas rester sans rien faire pour ces élèves mais nous manquons de moyens, de temps et de soutien de l’institution. Et ça, c’est dur au quotidien. » Ces changements ont aussi entraîné de nouvelles réunions et instances et une augmentation constante du temps de travail. En outre, Claire apprécie l’arrivée des jeunes collègues dans les écoles car ils apportent un souffle nouveau. Elle trouve qu’ils sont mieux formés au travail en équipe, sûrement grâce à leurs études et cela influence les pratiques.
« Les portes des classes se sont ouvertes : avant, on échangeait juste des astuces, maintenant on décloisonne, on construit collectivement. Ça prend du temps mais c’est indispensable pour prendre en compte la complexification du métier. » Et parce que ce dernier empiète aussi beaucoup sur la vie personnelle, elle a appris à se consacrer à l’essentiel. Claire se souvient d’ailleurs que ses collègues lui avaient conseillé en début de carrière de prendre du recul face à la valse des programmes ou aux débats enflammés sur les méthodes de lecture. C’est peut-être grâce à ce conseil et au changement de postes, quand l’usure se profilait, qu’elle aborde maintenant ce dernier mois d’école avec un entrain toujours réel. Elle, qui s’estime chanceuse de pouvoir prendre sa retraite à 60 ans, a participé à la mobilisation contre la réforme des retraites. Après 41 années dans l’Éducation nationale, qu’elle a investies pleinement, une fois la direction transmise, il sera temps de partir…