Le jeu à la maternelle
Mis à jour le 09.11.23
min de lecture
Itv de Anne Clerc-Georgy, professeure à la HEP du canton de Vaud (Suisse)
Anne Clerc-Georgy est professeure à la HEP - Haute école pédagogique - du canton de Vaud (Suisse)
Pourquoi le jeu est-il une modalité d'apprentissage en maternelle ?
Les enfants ne jouent plus ou très peu. Certains passent beaucoup de temps devant des écrans, d’autres sont suroccupés par un agenda surchargé. L’absence de temps d’ennui, le manque d’interactions font qu’ils n’apprennent plus à jouer. Or, pour le développement de l’enfant, jouer est essentiel, en particulier entre 3 et 8 ans. Le tout petit commence à explorer le monde en réaction avec l’environnement qu’on lui propose. Il peut faire semblant de boire avec un gobelet. Puis à l’âge de la maternelle, il entre dans une autre étape où il va devoir apprendre les prémices de l’action en pensée. Il peut alors transformer le gobelet en chapeau. Il apprend à se mettre à la place d’autrui, à se décentrer en jouant avec d’autres, à se soumettre volontairement aux règles du jeu. Enfin, il développe sa métacognition en guidant ses jeux et en planifiant des scénarios. L’école, qui a toujours fait une place au jeu, doit aujourd’hui apprendre aux enfants à jouer.
A quelles conditions ?
Tous les jeux ont un intérêt. Les jeux de construction et d’exploration développent la motricité et permettent d’expérimenter et de construire des concepts scientifiques. Attention, il ne faut pas confondre jeu et habillage ludique! Les activités déguisées rendent difficile l’identification des savoirs en jeu. Elles rendent les apprentissages invisibles, pénalisant les élèves les plus fragiles. Quant au jeu de société, même s’il a des visées d’apprentissage, c’est encore difficile pour le tout petit. Quel que soit le jeu, la présence de l’adulte est indispensable pour le développement du langage comme pour celui du jeu. Au début, l’enfant s’intéresse au dimensions apparentes des rôles. Puis, l’adulte apporte des éléments qu’il reprend dans ses jeux. Il joue, par exemple, à lire, à compter. Le jeu du «faire semblant», en se complexifiant, est propice à générer des situations qui nécessitent de nouveaux apprentissages pour poursuivre le jeu, c’est là que l’enfant comprend vraiment le sens des apprentissages. Cela demande du temps.
Quelle place donner au jeu du "faire semblant" ?
Pour passer de l’action concrète à l’action en pensée, il y a cette étape intermédiaire du «faire semblant», pour agir en dépit de ce qu’on perçoit. L’imagination se développe et la pensée prend le dessus sur la perception. On peut jouer un espion sans l’avoir vécu. À partir d’une heure par jour de jeu de «faire semblant» en classe, les progrès sont notables dans tous les domaines, y compris chez des
enfants autistes. Une heure, c’est le but. Au début, c’est chaotique et bruyant. Il faut accepter que tous les enfants ne participent pas. Nous pouvons commencer par des temps courts (10 min) ou en dehors de la classe. Le choix du matériel est important pour permettre de «faire semblant». Le jeu commence à devenir intéressant souvent à partir de fin janvier. C’est un temps d’apprentissage et un gain de temps pour la suite puisque les élèves ayant appris à jouer ainsi ont des compétences langagières et de raisonnement beaucoup plus fortes.