“Le droit à un environnement sain concerne tous les enfants”
Mis à jour le 30.01.25
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Interview de Claire Hédon sur le dernier rapport de la défenseure des droits
“Le droit à un environnement sain concerne tous les enfants”
Claire Hédon est depuis 2020 Défenseure des droits, autrice du rapport « Le droit des enfants à un environnement sain. Protéger l’enfance, préserver l’avenir » publié en novembre 2024.
POURQUOI S’EMPARER DES DROITS DE L’ENFANT À UN ENVIRONNEMENT SAIN ?
En amont de la COP 29, l’Organisation mondiale de la santé a alerté : « Le changement climatique nous rend malades et une action urgente est une question de vie ou de mort ». Le Conseil constitutionnel a érigé la protection de l’environnement en objectif à valeur constitutionnelle et le Conseil d’État considère le droit à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé comme une liberté fondamentale.
La promotion de ces droits, y compris l’exercice de la liberté d’expression pour les défendre, relève des missions du Défenseur des droits. Le changement climatique et la dégradation de l'environnement portent particulièrement atteinte aux droits fondamentaux des enfants – vie, santé, sécurité, dignité – dans tous les domaines de leur vie : logement, éducation, loisirs... Les enfants, êtres en développement, sont en effet plus vulnérables, sachant que les normes sanitaires se fondent sur des études toxicologiques portant sur des adultes hommes.
Les 3 400 enfants que nous avons consultés nous disent également qu’à l’instar des scientifiques, ils ne sont pas écoutés. Les recommandations du rapport s’appuient ainsi sur tout le travail d’auditions et d’analyses menées par mes équipes et sur les propositions des enfants.
UN ENJEU D’ÉGALITÉ ?
Le droit à un environnement sain concerne tous les enfants, même si les atteintes diffèrent entre zone rurale ou urbaine. L’exposition aux pesticides domine à la campagne, tandis qu’en ville les quartiers populaires, très denses et peu végétalisés, à proximité de sites polluants et d’axes routiers, constituent des îlots de chaleur et de pollution. Trois-quarts des enfants en France respirent quotidiennement un air toxique. La prévention de captage des eaux polluées aux pesticides est un échec.
Mais l’enfance précarisée est plus exposée, du fait d’une santé fragile et d’un moindre accès aux soins. Et en Outre-mer, des enjeux spécifiques concernent l’accès à l’eau potable, la pollution aux sargasses, les dégâts dus aux cyclones… Aux Antilles comme à Mayotte, le temps scolaire est amputé notamment par les événements climatiques ou la discontinuité du service d’eau potable.
“L’État, garant de la protection des droits des enfants, doit s’engager.”
QUELLES TRANSFORMATIONS DE L’ÉCOLE POUR GARANTIR CE DROIT ?
La rénovation du bâti scolaire est une urgence, compte tenu de la progression des températures extrêmes qui engendre un risque de rupture de la continuité du service public. L'adaptation de la journée scolaire est une piste pour tenir compte de ces évolutions climatiques. La végétalisation des cours et du quartier doit se généraliser à partir d’expérimentations réussies. Le droit à l’accès à une alimentation saine et de qualité doit concilier le bas coût de la cantine pour les familles et le recours au bio et au local. La mobilité collective, notamment pour les élèves en situation de handicap, doit être renforcée et l’accès aux écoles « à hauteur d’enfants » suppose une réduction de la circulation automobile au profi t de circuits verts, sécurisés.
Tout cela pèse sur les collectivités territoriales aux fortes contraintes budgétaires. C’est pourquoi l’État, garant de la protection des droits des enfants, doit s'engager. D’où la recommandation plus générale d’un traité international contraignant, tenant compte de la spécificité des enfants.
ET QUELLES ACTIONS ÉDUCATIVES ?
Alors que les enfants subissent les conséquences du réchauffement climatique, leur parole n’est pas prise en compte et ils sont exclus des processus de décision. Il importe de ne pas stigmatiser la façon dont les mineurs se mobilisent et usent de leur liberté d’expression. Les nasses sans issue pratiquées par les forces de l’ordre et la multiplication des gardes à vue lors de manifestations sont inquiétantes.
Il convient aussi d’améliorer l’accompagnement psychologique des enfants victimes de catastrophes climatiques et la formation à l’information environnementale pour lutter contre l’éco-anxiété. Les enseignants doivent être outillés et formés à ces enseignements. Et il faut veiller à leur mise en œuvre effective dans tous les établissements pour viser l’exercice d’une citoyenneté active, garantie par la Convention internationale des droits de l’enfant et où les droits sont des préalables aux devoirs. L’école, ce n’est pas qu’apprendre à lire et à compter.