La géométrie à la conquête de l’espace
Mis à jour le 29.01.25
min de lecture
L’apprentissage de la géométrie dès la maternelle permet à l’enfant à la fois de structurer son raisonnement et de se situer dans le monde qui l’entoure.
L’apprentissage de la géométrie dès la maternelle permet à l’enfant à la fois de structurer son raisonnement et de se situer dans le monde qui l’entoure. Cet apport est essentiel pour mieux appréhender la transition de la géométrie de construction, qui fait appel au raisonnement et à l’argumentation, à la géométrie de déduction enseignée au collège.
Enseignée à l’école primaire depuis près de deux siècles, la géométrie cherche encore sa place aujourd’hui parmi les divers apprentissages. Considérée « souvent », selon l’universitaire Anne-Cécile Mathé*, comme le « parent pauvre de l’enseignement des mathématiques à l’école », au regard de la formation et du temps qui lui est consacré en classe, cette discipline, inventée par les Grecs anciens, soulève de nombreuses questions. Pourquoi enseigner la géométrie ? Comment transmettre les savoirs géométriques ? Quels sont les enjeux pour le développement de l’enfant de cet enseignement reposant à la fois sur l'abstraction et l’appréhension du réel ?
Pour Anne-Cécile Mathé, la géométrie enseignée à l’école primaire permet à la fois au jeune élève de structurer sa pensée et de construire les premiers concepts géométriques. « Il s’agit d’accompagner l’enfant dans l’étude de formes, de figures, d’objets, de relations géométriques, en appui de la perception et de l’usage d’instruments dans des activités de reproduction, de construction ou de description de figures », observe-t-elle, en précisant que cet enseignement « peut servir au développement de premiers raisonnements et démarches de preuve ».
LES CONNAISSANCES SPATIALES COMME PRÉREQUIS
Thierry Dias, enseignant à la Haute école pédagogique du canton suisse de Vaud, insiste, lui, sur l’importance de préparer les apprentissages géométriques dès la maternelle. « L’enjeu est d’acquérir de solides connaissances spatiales dès le plus jeune âge de l’enfant. C’est quand les connaissances spatiales ont été bien construites que les élèves réussissent le mieux par la suite dans les activités géométriques ». En outre, ajoute Thierry Dias, « la maternelle est également l’occasion de travailler sur la motricité fine pour développer la maîtrise du geste nécessaire ultérieurement pour l'utilisation des instruments géométriques ». Dans les écoles, nombreux sont les PE qui mettent en pratique et expérimentent dans leur classe cette pédagogie, notamment en faisant de la géométrie l’interface de plusieurs autres disciplines, des arts visuels à la géographie en passant par l’EPS et les mathématiques.
“Ils apprennent à construire, structurer et hiérarchiser leur raisonnement.’’
Par ailleurs, à l’école Europe-Nations de Vandoeuvre-lès-Nancy (Meurthe-et-Moselle), les élèves abordent les savoirs géométriques par un jeu d’orientation. « Le langage est indispensable pour construire les concepts, souligne Delphine Feid, maîtresse formatrice. En passant par le corps, les enfants mémorisent davantage le lexique et se créent des représentations mentales qu’ils pourront utiliser lors du passage au micro-espace de la feuille ». À l’école Paul-Lapie de Chamalières (Puy-de Dôme), l’équipe pédagogique a choisi de changer son approche de la géométrie, préférant mobiliser les élèves de CM2 sur un projet de restauration de figures permettant de découvrir leurs propriétés. « Les élèves rentrent directement dans les apprentissages, acquièrent un vocabulaire et des tournures de phrases spécifiques. Ils apprennent à construire, structurer et hiérarchiser leur raisonnement. Parfois, des élèves en difficulté en numération se révèlent en géométrie », témoigne l’enseignant Julien Ribennes.
“En passant par le corps, les enfants mémorisent davantage le lexique et se créent
des représentations mentales qu’ils pourront utiliser lors du passage au micro-espace de la feuille’’
CONTINUITÉ DES APPRENTISSAGES
Une démarche qui devrait fluidifier l’acquisition de nouveaux savoirs géométriques plus abstraits, notamment au collège. Au cycle 4, en effet, la géométrie déductive viendra se substituer à la géométrie de construction. Dès lors, il s'agira pour l’élève de réaliser des démonstrations en utilisant les propriétés données par un texte et des théorèmes. Pour éviter cette rupture qui peut fragiliser les acquisitions précédentes de certains enfants, l’école doit donc assurer la continuité des apprentissages.
Anne-Cécile Mathé insiste sur ce point en affirmant que la géométrie enseignée au collège est une géométrie « déductive théorique qui convoque des objets et des relations théoriques sur lesquels on agit et produit des connaissances via des démonstrations ». « Mieux cerner ce que peuvent recouvrir chacune de ces géométries, interroger les visées de leurs enseignements et l’aménagement possible de l’un à l’autre constitue un enjeu important pour la recherche et pour l’école », conclut Anne-Cécile Mathé.
*Café pédagogique du 20 novembre 2024